Créer son entreprise pour retrouver un emploi ?

Depuis quelques années, les patrons en herbe sont de plus en plus nombreux à créer leur entreprise, en vallée de Seine comme partout en France. Dans l'immense majorité des cas, il s'agit cependant plus de créer son propre emploi qu'une structure qui embauche d'autres salariés que son seul dirigeant.

La création d’entreprise a plutôt le vent en poupe ces dernières années : qui sont ces nouveaux patrons qui se jettent dans le bain ? Si une petite portion de ces futurs patrons souhaite, comme ses prédécesseurs, créer des structures embauchant des salariés, l’immense majorité passe par l’étape entrepreneuriale avant tout pour retrouver ou se créer leur propre emploi… au risque de cruelles désillusions face aux nombreuses difficultés qui les attendent.

La semaine dernière, trois rendez-vous d’information et de conseil étaient proposés en vallée de Seine pour ces peut-être futurs patrons. Mardi, le premier était organisé à Mantes-la-Jolie à l’initiative de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) Versailles-Yvelines et de Pôle emploi. Lundi comme vendredi, le réseau associatif BGE, spécialisé dans l’aide à la création d’entreprise, présentait dans ses locaux son accompagnement gratuit à de potentiels créateurs d’entreprises.

« Il n’y a jamais eu autant de créations d’entreprises depuis six ans », annonçait vendredi dernier en préambule de sa présentation Marc Billand, salarié de BGE depuis une décennie et ex-patron lui-même. Mais la composition de cette floraison de nouvelles sociétés est très différente de celles du siècle précédent. « Les entreprises nouvellement créées sont employeuses pour 7 % d’entre elles, et démarrent avec 2,6 salariés en moyenne », complète ainsi Marc Billand.

A l’Agora mantaise, mardi après-midi, les patrons potentiels étaient quelques dizaines à avoir répondu présent pour venir rencontrer banquiers, pépinière d’entreprises, associations d’entrepreneurs et autres structures destinées à leur faciliter la tâche. Karim Benthami, en charge de l’entrepreneuriat à la CCI, confirme la très forte recrudescence ces dernières années de la croissance du nombre de sociétés dans les Yvelines.

« Il faut relativiser, neuf boîtes sur dix sont créées sans employés derrière, nuance-t-il cependant de cette tendance de fond, comme son confrère de BGE. Beaucoup de demandeurs d’emploi se jettent dans la piscine de la création d’entreprise : ce sont des gens qui créent leur emploi plutôt que leur entreprise. Une école le voit comme du salariat déguisé, une autre comme l’avenir. »

A l’Agora mantaise, mardi après-midi, les patrons potentiels étaient quelques dizaines pour rencontrer banquiers, associations d’entrepreneurs et autres structures destinées à les aider.

Lui se positionne résolument dans la seconde proposition. « Si on peut aider des personnes à créer leur propre emploi, c’est déjà pas mal quand on voit les chiffres du chômage qui, globalement, n’ont fait que monter ces dernières années, analyse Karim Benthami. La grande majorité de notre public (qui demande l’assistance de la CCI, Ndlr), ce sont des primo-créateurs, dont beaucoup de demandeurs d’emploi : j’y vois une chance. »

Chez les banquiers, le constat est également celui de sociétés sans salariés. « Il y a quelques années, la création d’entreprise concernait plus de projets de créer des emplois, là, c’est plutôt créer son propre emploi, observe Valérie Desoubry, directrice de l’agence mantaise de Banque populaire val de France. C’est vraiment de la micro-entreprise qui se crée, de la création de services, du tertiaire où il y a moins besoin de compétences techniques, plus que de la création industrielle. »

Comme une confirmation ce jour-là, El Ouafi, un Mantais de 34 ans, qui « ne savait pas réellement comment débuter », est venu se renseigner pour être aidé à lancer une entreprise de rénovation intérieure. « Je voudrais créer mon propre emploi, et peut-être en donner dans mon entourage si ça marche bien pour moi », explique-t-il. Après avoir longtemps travaillé dans le bâtiment, et fait un détour par un emploi dans la sécurité, il souhaite aujourd’hui allier une formation initiale dans la vente et ses compétences dans la construction.

Parfois, ce n’est pas le chômage mais les avantages de ceux qui sont leurs propres patrons qui attirent, à l’instar des choix de Ségolène et de Quentin, couple de Morainvilliers également croisé à l’Agora. « Je voulais monter un projet que je savais porteur, et créer mon activité pour être plus disponible pour ma vie familiale »,
explique le second. Il y a cinq ans, ce cadre dans une multinationale de l’eau quitte son emploi pour fonder une société de diagnostic des réseaux d’eau et d’assainissement.

La première, psychologue pour enfant, est actuellement en congé parental. Elle souhaite aujourd’hui se lancer dans le grand bain de l’entrepreneuriat avec une société proposant des activités et ateliers pour les parents et leurs enfants. « C’est vraiment le projet que je mûris depuis des années », explique Ségolène. Comme son mari, elle souhaite « ajuster au mieux la vie familiale et professionnelle ».

Lundi comme vendredi, le réseau associatif BGE, spécialisé dans l’aide à la création d’entreprises, présentait dans ses locaux son accompagnement gratuit à de potentiels créateurs d’entreprises.

Pour elle, la première des difficultés concerne les démarches administratives : « Pour moi, c’est du chinois, car c’est quelque chose que je n’ai jamais fait. » Une fois l’entreprise créée, d’autres écueils l’attendent cependant. « La vraie difficulté est de chercher des clients sans être disponible tout le temps, analyse Quentin, devenu patron sans en souhaiter tous les inconvénients. Il faut créer une communication suffisante pour une clientèle suffisante : certains mois, j’ai très peu de clients. »

A Epône trois jours après, une créatrice de micro-crèche « pas du tout accompagnée » décrit ses difficultés à la réunion de présentation de BGE : « J’y suis allée au pif, j’ai un peu fait n’importe quoi, j’aurais pu couler. » Actuellement en train de réorganiser les comptes de sa société avec l’assistance d’experts-comptables, témoigne : « La niaque et l’énergie ont fait que je me suis développée, mais je me suis pris des claques financièrement. »

Le chemin du nouveau patron est en effet semé d’embûches. Au-delà de la « phobie de l’administration », plutôt commune pour ceux qui envisagent de se lancer, assure Karim Benthami de la CCI. Et beaucoup d’entreprises, 66 % en France, « se cassent la figure avant les trois ans parce que les bases ne sont pas acquises ».

« Une entreprise, c’est trois choses : du commerce, de la gestion et de la technique » explique de son côté Marc Billand pour BGE. Comme beaucoup se lancent dans un secteur qu’ils connaissent professionnellement, ce sont souvent les autres aspects qui pèchent. « Les deux choses qui reviennent de façon récurrente, poursuit-il, sont « je ne comprends rien à ma compta et à l’analyse de mes comptes », et « j’ai du mal à capter mes clients, comment gérer ma prospection ? ». »

Pour ces spécialistes de la création d’entreprise, une seule solution pour mettre les chances de son côté et éviter le bouillon : se faire accompagner (voir encadré). « On est à plus de 80 % de pérennité à trois ans », se félicite-t-il de l’aide apportée gratuitement aux entrepreneurs potentiels. Mais, pour l’instant, « seuls 20 % des gens qui créent sont accompagnés, certains ne voient même pas un expert-comptable, ce qui explique aussi, parfois, les catastrophes qu’il y a derrière. »

Se faire accompagner, première priorité ?

L’une est une institution financée par les impôts des entreprises, l’autre une association fonctionnant grâce à des subventions publiques de l’Etat et des collectivités locales. A la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) comme au réseau BGE, l’ont met en avant la nécessité, pour les futurs entrepreneurs, d’un bon accompagnement afin d’améliorer les chances de réussite de sa jeune entreprise.

« Notre obsession est le parcours du créateur, indique Karim Benthami, en charge d’un service de 10 personnes dédiées à l’entrepreneuriat à la CCI. Notre ADN est de faire en sorte qu’un maximum de boites se construisent et qu’elles restent pérennes. » Ateliers gratuits, formations payantes, réunions avec des experts doivent permettre au futur patron de « se poser les bonnes questions ».

« Vous allez entrer dans le processus d’accompagnement, et quand le dossier est terminé, vous allez voir votre banque », a expliqué de son côté Marc Billand, de BGE, vendredi dernier à des patrons potentiels ou déjà chefs d’entreprise. S’il se décline aussi en ateliers et en rencontres, l’accompagnement gratuit proposé par BGE passe surtout par « des outils numériques » utilisant « le principe de la carte mentale », associés à l’aide d’un conseiller pour établir un business plan le plus solide possible avant de se lancer.

Qui sont les créateurs d’entreprises dans les Yvelines ?

Le constraste social important dans les Yvelines se reflète sur ses futurs patrons. Ainsi, à l’Est, les nouvelles sociétés sont surtout créées dans le secteur tertiaire, tandis qu’au Nord-Ouest, les activités de vente et de transport tiennent le haut du pavé. Dans tous les cas, ces chefs d’entreprise potentiels ne sont pas insensibles aux modes : « On se lance dans une bulle », décrit de ces tendances Karim Benthami, de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) Versailles-Yvelines.

« Le département a une population CSP+ significative : le porteur-type est dans le tertiaire, diplômé, qui crée un statut à son compte, dans le secteur du conseil, en ressources humaines ou dans le numérique, détaille-t-il des Yvelines. Après, on a le commerce de proximité, de la petite épicerie fine au commerçant ambulant. Fut un temps, on a eu le commerce de cigarette électroniques. En 2014, 2015 et 2016, le transport de personnes avec les VTC a augmenté considérablement. »