Où va la droite yvelinoise ?

Les élections sénatoriales leur ont mis un peu de baume au coeur. Mais les responsables LR des Yvelines, concernés comme les autres par la recomposition du paysage politique du département, font face à un militantisme en baisse et à des difficultés financières.

Cet article a été publié au sein d’un dossier comprenant également une interview au long cours de la secrétaire départementale de la fédération LR des Yvelines :
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Que 2015 semble loin pour la fédération LR yvelinoise ! Alors au faîte de sa puissance, elle parachevait des municipales conquérantes par un grand chelem électoral aux élections départementales. En ligne de mire figuraient les élections présidentielle et législatives, qu’ils se voyaient de raisonnables espoirs d’emporter largement.

Deux ans plus tard, Emmanuel Macron est président de la République et tous les députés sauf celui du Mantois sont étiquetés LREM ou Modem. La fédération, elle, tangue sous le poids combiné des incertitudes politiques nationales du parti qui doit encore se choisir un président, du départ de nombreux militants et responsables politiques, mais aussi de problèmes financiers.

Pourtant, vue de loin, la situation semble encore parfaitement gérable, et le conflit de génération, déclaré dans bien des départements et des partis, est loin d’être ouvert. « On a besoin dans cette famille politique de s’adosser à un guide. Avec Larcher, Bédier et Pécresse, on a l’embarras du choix », note ainsi Karl Olive, le maire de Poissy et fondateur de Génération terrain (voir encadré).

« La recomposition des Républicains au niveau départemental passe par la complémentarité de ces trois fortes personnalités », poursuit-il. Peu de fédérations peuvent en effet se targuer d’avoir dans leurs rangs une présidente de Région, un président de Département et le président du Sénat, chacun tout-puissant dans leurs institutions respectives. Sans compter que Valérie Pécresse, selon d’insistantes rumeurs, pourrait bientôt se voir proposer Matignon par Emmanuel Macron.

Mais l’édifice politique, plus puissant que jamais en apparence, est aujourd’hui fissuré. Valérie Pécresse et Pierre Bédier continuent de se détester cordialement. Le second attend avec un certain optimisme que le gouvernement examine son grand projet de fusion des Yvelines avec les Hauts-de-Seine, à propos duquel la présidente de l’Île-de-France s’est d’ailleurs bien gardée d’apporter son soutien.

« On a reconduit tous les sortants. C’était terrible, l’image qu’on renvoyait était qu’on ne sait pas faire le renouveau », constate Pierre Bédier, le président du Département, de la photo ci-dessus.

Et puis, il y a eu les législatives, désastre électoral qui vit tous les députés LR être battus, et seul Michel Vialay élu dans le Mantois. « On a reconduit tous les sortants. C’était terrible, l’image qu’on renvoyait était qu’on ne sait pas faire le renouveau », constate sèchement Pierre Bédier, le président du Département, en évoquant la photo des candidats diffusée dans la presse. « On ne peut pas faire le renouveau sans passer à la nouvelle génération », estime-t-il en conséquence.

Aujourd’hui, surtout, c’est le départ de très nombreux militants et élus qui inquiète. Si le parti avance encore environ 10 000 adhérents, un nombre en hausse par rapport aux 9 000 adhérents annoncés début 2016, la progression semble un trompe-l’oeil. Et si des annonces de défection ou de non-renouvellement se produisent régulièrement depuis les élections du printemps, le mal pourrait bien être plus profond et plus ancien.

« Il y a 15 ou 20 ans, on faisait des réunions sur Villennes – Médan où on avait 200 personnes, aujourd’hui, il arrive qu’il n’y ait que cinq personnes, se rappelle ainsi l’élu villennois Pierre-François Degand, passé de LR à LREM il y a quelques mois. C’est devenu un parti d’apparatchiks, on voit que les gens sont vraiment déçus, et les élus vraiment déconnectés du terrain. J’ai retrouvé à En marche des gens sur le terrain, un parti de militants. »

Chez ceux qui ont choisi de rester, l’impatience du choix d’un président au niveau national n’est pas dissimulée. « Depuis la défaite, la ligne politique n’est pas définie », analyse ainsi Raphaël Cognet, adjoint mantais et successeur désigné de Michel Vialay à la tête de la municipalité. Il souhaite néanmoins que le parti laisse la liberté de « s’organiser localement » aux déclinaisons locales, et se dit en faveur d’un triptyque « travail, liberté, sécurité » dont il estime qu’il « parle à tout le monde ».

Idéologiquement plutôt à droite au sein de son parti, il assure cependant qu’il se rangera « sans état d’âmes » au vote des militants. Son mentor mantais, Pierre Bédier, a choisi : il votera pour Laurent Wauquiez, peut-être le plus à droite des candidats. « J’ai eu des engagements de Monsieur Wauquiez à laisser parler la diversité et à la laisser s’organiser », justifie de son vote ce chiraquien historique, prêt à laisser de côté « des positions tranchées » du candidat, en faveur de l’unité du parti.

Le Modem et l’UDI en embuscade

Depuis leur campagne puis leur victoire aux côtés des candidats LREM aux élections législatives, les élus Modem yvelinois ont pris leurs distance avec des LR qu’ils fréquentaient pourtant assidûment depuis plusieurs années, notamment lors des élections locales où ils étaient toujours alliés ou presque. Aujourd’hui, le rapport de forces semble quasiment inversé dans les Yvelines entre les deux formations politiques, au moins dans l’esprit des élus Modem dirigés par le nouveau député de la neuvième circonscription, Bruno Millienne.

L’UDI n’est pas en reste pour attirer élus et militants LR déçus, mais n’est pas au pouvoir. La position de la fédération, dirigée par le maire de Buchelay Paul Martinez, est par ailleurs moins claire que jamais : aux deux dernières échéances électorales, elle a soutenu des candidats contre les accords nationaux entre LR et UDI. Mais le Buchelois semble garder la confiance de son parti : malgré tous ses efforts auprès de l’UDI au niveau national, son meilleur ennemi mantais, Pierre Bédier (LR), n’a pu faire éjecter Paul Martinez de la fédération yvelinoise.

Les responsables du parti auraient donc pris la mesure du désengagement et de la sévérité du jugement de certains de leurs élus d’importance, parfois même des étoiles montantes. « Certains députés battus étaient déconnectés aussi » du terrain, notait ainsi vendredi sans aménité Karl Olive, le maire de Poissy.

« Il y a des maires qui, à un moment, ont oublié d’appuyer sur le bouton stop », complétait son homologue de Saint-Germain-en-Laye, Arnaud Péricard. Lors du lancement de l’association Génération terrain (voir encadré), fondée par ces deux maires avec la conseillère départementale Pauline Winocour-Lefèvre, il était d’ailleurs difficile de ne pas noter qu’aucun n’est aujourd’hui adhérent LR.

Mais un nouveau président national suffira-t-il à redonner de l’allant à la fédération ? Si certains militants veulent d’abord une ligne politique claire, d’autres, en général plus proches du centre, pourraient ne pas revenir si Laurent Wauquiez était élu. « Je me sens pas En marche, mais je ne me sens pas wauquiéen », commente ainsi Jean-Marie Moreau. Ce soutien de Bruno Le Maire était encore il y a peu le délégué LR de la huitième circonscription, mais il n’a pas adhéré cette année.

Jusqu’à présent, les LR yvelinois évitaient tout règlement de comptes en public… mais cette harmonie de façade est en train de se déliter. « Si vous avez des nouvelles de lui, faites-moi signe », indiquait ainsi d’un air pincé un élu du parti la semaine dernière à propos de David Douillet, son président (élu par les militants début 2016, Ndlr). Ses absences, son manque d’implication, son dilettantisme sont critiqués de plus en plus ouvertement par les militants et certains responsables.

« Certains grands élus et élus n’ont pas tenu leurs engagements… mettant cette même fédération dans une situation financière très compliquée », accuse leur président yvelinois, David Douillet.

Le principal intéressé, lui, est déjà parti des Yvelines en catimini. Marié le 19 août dans l’Ain, il a vendu sa maison de Meulan-en-Yvelines (il y a gardé un pied-à-terre, Ndlr), indiquait Le Parisien la semaine dernière. « Toujours président de la fédération des Républicains des Yvelines, il devrait céder sa place dans les prochaines semaines », précisait le quotidien francilien, qui a appris l’information à de nombreux élus yvelinois sans nouvelles de leur président.

Mais David Douillet n’a visiblement pas l’intention de se laisser accabler, à en juger par la réponse qu’il a faite aux sollicitations de La Gazette sur sa présidence. Il n’hésite ainsi pas à rejeter sur les élus les difficultés budgétaires actuelles de la fédération : « Certains grands élus et élus n’ont pas tenu leurs engagements… mettant cette même fédération dans une situation financière très compliquée. »

Quant à la ligne politique et au (manque de) dynamisme de son leadership, là aussi, il estime être plus victime que coupable. « La fédération a été kidnappée par quelques-uns, notamment avant et pendant les présidentielles », assure David Douillet, sans donner plus de détails car il ne veut pas faire « partie de ceux qui tirent sur l’ambulance ». Il renvoie d’ailleurs vers la secrétaire fédérale, nommée par la direction nationale du parti, la sénatrice Sophie Primas.

La situation de la fédération LR aiguise les appétits politiques dans le paysage yvelinois, parmi les trois partis gravitant autour du centre-droit, Modem, UDI et LREM. Mais seul ce dernier a l’attrait du pouvoir national à proposer. « Karl (Olive) et Arnaud (Péricard) sont des maires qui sont dans l’action, et je les verrais bien prendre des responsabilités au plus haut sommet de l’Etat, ils sont Macron-compatibles », flatte ainsi leur ami Pierre-François Degand.

Trois jeunes loups créent Génération terrain

« Ce n’est pas un parti politique mais un outil de réflexion, une sorte de boîte à idées », décrit ainsi la conseillère départementale Pauline Winocour-Lefèvre (au centre).

« Xavier Bertrand viendra nous écouter, Bruno Le Maire est demandeur, Christian Estrosi est intéressé. » Il ne mégote pas, le maire de Poissy Karl Olive (DVD), ce vendredi matin devant une cinquantaine d’élus rassemblés au golf de Béthemont.

Avec son homologue de Saint-Germain-en-Laye Arnaud Péricard (DVD), et la conseillère départementale Pauline Winocour-Lefèvre (DVD), ils tenaient réunion pour leur nouvelle association, Génération terrain.

Elle est composée à ce jour d’une centaine de membres. Ces derniers sont cooptés, à 90 % des élus, pour 10 % des personnes sélectionnées issues de la société civile. Génération terrain remplit plusieurs rôles, pas forcément les mêmes, d’ailleurs, selon que l’on écoute l’une ou l’autre de ces trois figures de la relève politique yvelinoise.

« Ce n’est pas un parti politique mais un outil de réflexion, une sorte de boîte à idées », décrit ainsi Pauline Winocour-Lefèvre. Pour le nouveau maire de Saint-Germain-en-Laye, Génération terrain « n’est pas pour se faire mousser auprès des institutions, mais pour essayer de peser ». Avec leurs répertoires bien fournis, ils assurent d’ailleurs avoir l’oreille du gouvernement LREM comme des trois poids lourds LR yvelinois que sont Valérie Pécresse, Gérard Larcher et Pierre Bédier.

Reste Karl Olive, souvent décrit au sein de la fédération yvelinoise comme l’un des successeurs potentiels de Pierre Bédier. Lui voit Génération terrain « dans la droite ligne du club des Loges », indique cet homme de réseaux en référence au collectif informel qu’il a créé en 2012 avec Arnaud Péricard (et qui ne disparaît pas, Ndlr).

Homme pressé, très bon communiquant, il ajoute là une nouvelle corde à un arc déjà bien fourni. Quant aux ambitions qui lui sont prêtées à droite comme à gauche, « mieux vaut faire envie que pitié », répondait-il à La Gazette il y a quelques semaines. « Ce sont des sujets dont on n’a jamais parlé », se contentait alors d’indiquer un Pierre Bédier plutôt amusé.