La dernière réforme de l’hôpital public, dite loi Touraine, impose le rapprochement de nombreux hopitaux au 1er juillet 2016. En vallée de Seine, les trois établissements regroupant cinq sites principaux à Poissy, Saint-Germain-en-Laye, Les Mureaux, Meulan-en-Yvelines et Mantes-la-Jolie formeront l’un de ces Groupements hospitaliers de territoire, le GHT Yvelines Nord.
Le GHT ouvre la voie à une éventuelle fusion, alors que l’hôpital de Mantes-la-Jolie et le Centre hospitalier de Poissy-Saint-Germain (Chips) ont déjà une direction commune depuis l’été 2015. Aux Mureaux, lors d’une récente réunion publique intersyndicale, agents et médecins ont manifesté leur inquiétude, tant au niveau de leurs conditions de travail que de la qualité des soins.
Ce double argument est tout autant utilisé par d’autres médecins et la direction de Poissy-Saint-Germain. La faute en reviendrait à un manque de médecins de plus en plus criant, qui ne permettrait plus de recruter en grande couronne francilienne sans proposer des services spécialisés suffisamment attractifs.
« Nous avons beaucoup d’interrogations et d’incertitudes sur la mise en place du GHT, et nous pensons que ce sera un bouleversement néfaste pour les équipes, avance Franck Virginius, délégué FO du Centre hospitalier Meulan – Les Mureaux (Chimm). Le patient n’est plus au coeur du débat, on fait plutôt face à des logiques financières. »
« Les fusions ont été compliquées, rappelle Stéphane Barbas, pédopsychiatre à Poissy et membre de la CGT-Santé, des précédents regroupements ayant abouti à la création du Chimm et du Chips. J’ai l’impression que la mise en place des GHT est une façon de continuer cette politique-là en tenant compte des expériences tirées des fusions. »
Au Chimm, à la question du GHT lui-même s’ajoute celle de l’existence même du centre hospitalier, situé entre deux hôpitaux plus importants. Une partie du personnel et la quasi-totalité des élus locaux craignent en effet d’être les oubliés du GHT. « On pense que ça fera naître des déserts médicaux », estime ainsi Franck Virginius.
Les trois hôpitaux du futur GHT en chiffres
Poissy – Saint-Germain (Chips) :
1209 lits et places, 3 271 agents et médecins, 278 millions d’euros de budget annuel en 2016.
Mantes-la-Jolie (François Quesnay) :
708 lits et places, 1 862 agents et médecins, 138 millions d’euros de budget annuel en 2016.
Meulan -Les Mureaux (Chimm) :
591 lits et places, 1 200 agents et médecins, 104 millions d’euros de budget annuel en 2016.
« Il ne faut pas déshabiller ce centre hospitalier au profit de Mantes et de Poissy, alors qu’il répond aux besoins de la population et que des efforts importants ont été faits », demande de son côté Mbarek Akafou, secrétaire de section PS des Mureaux. Il a d’ailleurs lancé le 28 mai, avec des délégués syndicaux et des élus, une pétition en ligne demandant la sanctuarisation de l’hôpital ayant récolté lundi presque 700 signatures.
Directeur commun des hôpitaux mantais et pisciacais depuis l’été dernier, Michaël Galy note de son côté que la fusion amorcée entre les deux établissements donne plus de chance à ces centres de grande couronne francilienne d’attirer de nouveaux médecins. « En pédiatrie, nous avons eu des résultats très rapides », donne-t-il en exemple. Quatre nouveaux jeunes pédiatres ont en effet été recrutés pour des prises de poste entre maintenant et novembre dans le service correspondant, au centre hospitalier de Mantes-la-Jolie.
Ce dernier en manquait cruellement, malgré ses 20 000 passages annuels aux urgences pédiatriques. « Le but est de permettre à des médecins de venir à Mantes-la-Jolie, indique Michaël Galy de ses objectifs. Je me sers de la proximité de Poissy avec Paris, et du fait qu’il soit un établissement intéressant, avec beaucoup d’activité et des techniques pointues. Une fois qu’il sont implantés, ils sont ouverts à des partenariats territoriaux. »
Sans le regroupement de l’oncologie, « l’avenir aurait été menacé »
En novembre, le déménagement du service d’oncologie de l’hôpital de Meulan-en-Yvelines vers celui de Mantes-la-Jolie suscitait la colère des syndicats et des élus locaux. Six mois après, ce transfert suscité par les médecins du service est considéré par ceux-ci comme une réussite… même si l’efficacité financière et médicale se fait désormais au prix d’une attente parfois plus longue pour les patients venus pour des chimiothérapies.
« Nous avions un service dont l’avenir était un peu menacé pour des raisons de démographie médicale, car il faut une structure suffisamment importante pour attirer de jeunes oncologues, rappelle Etienne Leroy-Terquem, le chef du nouveau service (et ex-chef du service meulanais, Ndlr). Et car j’avais l’exigence de travailler dans une unité homogène comprenant hôpital de jour, hospitalisation classique et consultations. »
Le nouveau service comprend 5,3 médecins en équivalent temps plein, 17 lits d’hospitalisation, et 15 places en hôpital de jour. « Il a eu tout de suite une activité supérieure à celle qu’on prévoyait, au moins égale à l’addition des activités des deux services, indique l’oncologue. Il n’y a pas eu de fuite massive de patients. » Il estime qu’aujourd’hui, « la qualité des soins est correcte », et pense pouvoir recruter plus facilement.
Mais Etienne Leroy-Terquem ne nie pas des attentes parfois plus longues des patients venant faire leurs chimiothérapies, revers d’une efficacité budgétaire maximale. « A Meulan, nous avions un passage par jour et par place, analyse-t-il. Ici, tous les fauteuils sont occupés deux fois, et certains trois. Dès qu’un hôpital de jour a une activité importante, nous sommes soumis aux impondérables. »
Un accord trouvé pour partager les soins de suite
Ces dernières semaines, les directions hospitalières de Mantes-la-Jolie et de Meulan – Les-Mureaux (Chimm) se sont affrontées à propos du transfert prévu mais incomplet de 30 lits de soins de suite et de réadaptation (SSR) du premier vers le second. Un accord, exigé par les élus locaux, a aujourd’hui été trouvé avec l’Autorité régionale de santé et les deux hôpitaux.
« Les deux établissements se sont accordés pour que l’hôpital de Mantes transfère un total de 20 lits au Chimm au lieu des 30 initialement prévus », annonce ainsi un communiqué commun doublé de la signature d’une convention. Sur le site de Meulan-en-Yvelines, les 10 lits non transférés doivent être remplacés par 10 autres d’une « nouvelle unité de soins palliatifs », tandis que le service SSR de l’hôpital du Mantois comptera 45 lits.
Le point de départ de cet imbroglio a été la fermeture, fin 2015, de l’établissement SSR de Dennemont, dans le Mantois. Ses 60 lits devaient être partagés à parts égales entre le site principal de l’hôpital mantais et le site de Bécheville (Les Mureaux) du Chimm… mais seuls 15 lits ont été transférés dans ce dernier, causant la colère de son directeur, des syndicats et des élus.
Mantes-la-Jolie
Bientôt moins d’attente en cardiologie ?
Le service de cardiologie de l’hôpital François Quesnay, à Mantes-la-Jolie, provoque l’ire des patients depuis maintenant de nombreux mois, notamment à cause de délais de prise en charge très importants. La direction indique que le recrutement de médecins supplémentaires dans les mois à venir doit permettre d’améliorer la situation au plus tard en 2017.
« Il faut sept mois pour une consultation en cardiologie, c’est une catastrophe ! On nous a rapporté un infarctus transféré à Versailles, et une insuffisance cardiaque au Plessis-Robinson (Hauts-de-Seine) », s’émouvait ainsi récemment auprès de La Gazette Brigitte Aubry, membre et animatrice du comité d’usagers de l’hôpital de Mantes-la-Jolie.
Le directeur commun des hôpitaux de Mantes-la-Jolie et de Poissy-Saint-Germain, Michaël Galy, ne nie pas l’existence d’une situation problématique. « Il y a longtemps que les délais de rendez-vous sont très longs, trop longs, confirme-t-il. L’équipe médicale est numériquement faible, avec des départs naturels. La priorité était de gérer les urgences et les soins intensifs. »
Des lits ont même été fermés de l’été dernier à la fin 2015 « car nous ne pouvions garantir la permanence des soins ». Des recrutements supplémentaires pour arriver « à effectif plein à la rentrée 2016 », et la fusion des équipes médicales des deux centres hospitaliers, pour un total de 17 à 19 cardiologues, devraient permettre de « résorber cette affaire d’ici à la fin de l’année ».