Le président de la nouvelle asso des musulmans lourdement condamné

L’association historique l’accusait d’avoir volé son projet. Un récent jugement condamne le président de l’Association mosquée Mantes Sud (AMMS) à 20 000 euros de dommages et intérêts.

Depuis plus de quatre ans, l’association historique regroupant des Mantevillois de confession musulmane autour d’un projet de mosquée, El fethe, clamait s’en être fait dépouiller par son ex-chef de projet, devenu président de l’Association mosquée Mantes Sud (AMMS). Le Tribunal de grande instance (TGI) de Versailles lui a donné raison le 3 mai dernier, en condamnant personnellement Abdelaziz El Jaouhari, président de l’AMMS, à 20 000 euros de dommages et intérêts.

Tout commence en 2012, lorsque le président d’El fethe, Zoher Abbadia, confirme l’intérêt de l’assocation pour le local de l’ancienne trésorerie, en bordure du quartier des Merisiers, à la municipalité. Abdelaziz El Jaouhari, qui n’est pas membre d’El fethe, devient l’un de ses deux représentants pour les négociations avec la mairie.

Mais, fin 2013, coup de théâtre : la majorité mantevilloise décide d’attribuer le projet de mosquée à l’AMMS, malgré un courrier rageur d’El Fethe quelques jours avant, déchargeant les deux représentants de leur mission. Les statuts de constitution de l’AMMS sont déposés quelques jours après le vote de la délibération en conseil municipal. Depuis, les deux associations comme leurs présidents s’affrontent dans et hors des tribunaux.

« Monsieur Abdelaziz El Jaouhari a trompé ses mandants et outrepassé son rôle de mandataire, étant parvenu à convaincre la mairie de ne plus vendre les locaux à l’association El fethe mais à une autre association, analyse le TGI dans les attendus de son jugement du 3 mai. Abdelaziz El Jaouhari a privé les musulmans de Mantes-la-Ville réunis au sein de l’association El fethe d’un lieu de prière. » Les juges rejettent l’argumentaire du président de l’AMMS, qui avançait ne pas être représentant d’El fethe dans les négociations.

« Il ressort des courriers émanant du comité de pilotage du 6 septembre 2013, qu’à compter de cette date, le mandant, en la personne de Monsieur Abdelaziz El Jaouhari, a décidé – sans qu’il ne résulte d’aucun élément du dossier qu’il en ait préalablement référé à son mandataire, et encore moins que celle-ci lui en ait donné l’autorisation – de se substituer au cessionnaire prévu en la personne de l’association El fethe, une nouvelle association à créer et dont il est devenu président », poursuivent sévèrement les juges.

Le TGI estime ainsi que « ces faits caractérisent le dépassement de son mandat ». Pour les magistrats, cette « faute commise dans l’exercice de son mandat » a « causé un préjudice moral substantiel », caractérisé par « les divisions que cette éviction a provoqué au sein de la communauté musulmane de la ville ».

Le président de l’AMMS est condamné à titre personnel à verser à El fethe 20 000 euros de dommages et intérêts (El fethe demandait 100 000 euros, Ndlr), ainsi que 3 600 euros de frais d’avocats. « Ce qu’on avait essayé de montrer aux gens, ce que certains n’avaient pas compris, la justice l’a montré, se félicite aujourd’hui Zoher Abbadia, le président d’El fethe. Ils ont étudié point par point, pour démasquer le petit complot qu’Abdelaziz El Jaouhari a préparé d’avance. »

Sollicité par La Gazette, Abdelaziz El Jaouhari annonce faire appel et dément les autres accusations par courriel (voir ci-dessous). Sa rapide ascension dans le petit monde des associations cultuelles musulmanes du département, ternie l’an dernier par de graves accusations (voir ci-dessous) portées quant à son action de secrétaire général du Conseil des institutions musulmanes des Yvelines (Cimy), ne semble pas devoir être positivement renforcée par ce jugement.

L’AMMS accumule les impayés

Depuis plusieurs mois maintenant, certains fidèles musulmans, mantevillois ou de vallée de Seine, ne cachent plus leurs inquiétudes concernant la situation financière de l’Association mosquée Mantes Sud. Selon nos informations, celle-ci accumulerait en effet les impayés depuis plusieurs années, pour plusieurs dizaines de milliers d’euros, selon les documents en notre possession.

En janvier 2017, un commandement de payer était ainsi émis par un huissier de justice. Il est fait état d’une dette de plus de 35 000 euros dûe à un cabinet d’avocats. En litige depuis 2016 à ce sujet, il n’a pas souhaité commenter, La Gazette ne peut donc préciser si la dette est éteinte.

Aucune incertitude concernant cet artisan du Mantois, qui compte aujourd’hui porter plainte pour 17 000 euros (et a souhaité conserver l’anonymat, Ndlr). Ayant déjà participé à des chantiers, il est sollicité par le président de l’AMMS en 2015 pour assister au chantier de réaménagement en mosquée de l’ex-centre des impôts.

« Il est venu à nous en jouant sur la fibre sensible de la religion et du Front national, se souvient ce professionnel du bâtiment. On sait qu’ils n’ont pas beaucoup d’argent, on joue le jeu sur le prix et sur les délais. » Il ne s’attendait pas, cependant, à ce que ses factures restent lettre morte, depuis la fin des travaux au printemps 2016. « Il a joué sur le fait qu’on ne veut pas salir l’image de l’islam plus qu’elle ne l’est déjà aujourd’hui », explique-t-il de son choix d’attendre deux ans avant d’aller en justice.

Les mosquées de Saint-Quentin en Yvelines dénoncent des pressions

Le mode d’action condamné par la justice début mai à Mantes-la-Ville serait-il reproduit par Abdelaziz El Jaouhari en tant que secrétaire général du Conseil des institutions musulmanes des Yvelines (Cimy) ? Fondé en 2015 à la demande du préfet après les attentats du 13 novembre, le Cimy, du moins son fonctionnement et son secrétaire général, ont en effet été sévèrement critiqués en 2017, dans un courrier adressé au préfet des Yvelines par le Collectif des associations musulmanes de Saint-Quentin-en-Yvelines (Cam 78), que La Gazette s’est procuré.

Ils dénoncent, nommant « des responsables » et nommément Abdelaziz El Jaouhari, des « ingérences dans les relations de certaines associations avec leurs élus locaux ». Le Cam 78, qui existe officiellement depuis 2016 (officieusement depuis une décennie, Ndlr), allègue aussi des « menaces de fermetures administratives et perquisitions aux domiciles des dirigeants de certaines associations si elles restent dans le Cam 78 », comme « des propos diffamatoires » tenus à son égard lors d’une réunion du Cimy avec l’Association des musulmans de La Verrière (AMLV).

Abdelaziz El Jaouhari fait appel, dément les impayés de l’AMMS et répond aux accusations du Cam 78

Jugement dans l’affaire l’opposant à El fethe

« Nous sommes en effet déçus par cette décision. Une bonne partie de nos éléments de défense n’ont pas été joints à la procédure car déposés en retard. Je vous rappelle que c’est une première instance et que la procédure est loin d’être terminée. Nous faisons appel de cette décision afin que tous les éléments soient pris en compte.

A la lecture de la décision, nous restons confiants pour la suite car les interrogations soulevées par le magistrat trouvent leur réponse dans notre mémoire qui sera déposé en appel. Comme vous le savez, dans cette affaire de la mosquée, nous avons remporté toute nos procédures, même une que nous avions perdu en première instance ! »

Impayés de l’AMMS

« Je ne sais pas de quels impayés vous parlez, vous ne m’avez envoyé aucun document ni aucun témoignage ?! Dans notre projet de la mosquée, nous avons fait appel à des dizaines de professionnels et tout s’est bien passé. Vous faites allusion peut être à un premier cabinet d’avocat auquel nous avions fait appel et avec qui nous avions eu un désaccord pour cause de surfacturation.

C’est une affaire qui date de deux ans. Le différent a été réglé depuis plus d’un an. Pour les fameux artisans, je vous laisse la responsabilité de vos propos. L’association a une double responsabilité quant à sa gestion financière. Une responsabilité juridique mais surtout une responsabilité morale que nous observons avec fermeté. Toute surfacturation ou toute tentative d’arnaque ne pourront être tolérées.

Le projet dans son ensemble est porté par une équipe bénévole, dévouée et professionnelle. Pour votre bonne information, lors notre assemblée générale annuelle qui vient d’avoir lieu , les fidèles ont voté à l’unanimité le rapport moral et financier de l’association. Les fidèles portent fièrement le projet et pourvoient à son financement. La confiance des fidèles est basée sur la transparence de l’association et son dynamisme. »

Accusations et critiques du Cam 78

« Pour votre bonne information, le Cam 78 est un collectif de mosquées du Sainquentinois. Ce collectif a été fondé par les mosquées de Trappes, Elancourt et Plaisir. Ce collectif a fonctionné à merveille durant des années, jusqu’à ce qu’il soit infiltré et récupéré par des groupuscules qui en trahissent l’esprit et les objectifs. Conséquence immédiate, les trois mosquées fondatrices l’ont toutes quitté.

Aujourd’hui, ce collectif se résume à la seule mosquée de La Verrière, autour de laquelle gravitent quelques associations sans lieux de culte ou avec des petites salles de prières non-officielles. Lors du dernier dîner organisé par ce nouveau collectif, il ne vous a pas échappé que les services de l’Etat tout comme les députés et sénateurs du territoire n’ont pas souhaité y participer alors qu’ils étaient invités.

Pensez-vous que c’est un hasard ? Même le peu d’invités présents ont bien souligné que le dialogue institutionnel a lieu avec le Cimy, instance représentative. Pour la bonne information de vos lecteurs et pour faire preuve d’impartialité, il serait utile de leur faire part des enquêtes journalistiques plus poussées qui ont été menées récemment par Le Monde et Le Journal du Dimanche, entre autres, sur ce nouveau collectif et ses responsables.

Votre dossier décousu, avec des éléments anciens et non vérifiés, nous questionne sur les objectifs de votre article ? Cela semble davantage participer d’une campagne de pression sur le Cimy et son secrétaire général, pour ses positions dans des dossiers sensibles et importants pour l’avenir du territoire et au-delà. Le Cimy ainsi que moi-même resterons fermes quant à la rigueur de notre travail, et assumons nos positions pour l’intérêt général, loin des calculs politiciens et courtermistes des auteurs de ces pressions. »