Le Campus de formation Paul Cézanne lancé à la rentrée

À terme, l’établissement accueillera entre 300 et 400 apprentis en partenariat avec la Chambre des métiers et de l’artisanat. D’autres organismes, et des associations locales proposeront aussi leurs formations.

Les lettres vertes qui ornaient la façade du bâtiment C ont été remplacées par une plaque neuve. S’il n’accueille plus de collégiens depuis l’ouverture du Nouveau collège, quelques centaines de mètres plus loin, l’ancien établissement scolaire Paul Cézanne conserve toutefois une mission de formation. À la rentrée prochaine, il deviendra officiellement le Campus de formation Paul Cézanne, porté par le Département, en partenariat avec la Chambre des métiers et de l’artisanat (CMA) d’Île-de-France-Yvelines, pour une réhabilitation d’un coût de 1,8 million d’euros.

Plusieurs formations seront proposées, dans un premier temps de la coiffure, puis à partir de septembre 2023 des cursus en boulangerie, cuisine, traiteur et boucherie. Une formation aux métiers de la sécurité sera également dispensée, par le lycée Notre-Dame pour la formation initiale et par l’association Delavant pour de la formation continue. Plusieurs autres associations locales ont également été sollicitées pour participer à la gestion de l’établissement, qui accueillera entre 300 et 400 ­apprentis par an.

Le projet d’implanter un centre de formation dans le Mantois est assez ancien, puisqu’il devait s’installer initialement dans le quartier de Mantes-Université. Mais durant la campagne des dernières élections départementales, le candidat redevenu président du Département, Pierre Bédier (LR), avait fait part de son souhait de transformer l’établissement scolaire de 10 350 m² en centre de formations. « Nous voulions qu’il y ait le meilleur dans la formation professionnelle, assène-t-il. […] À ma connaissance ça n’existe pas ailleurs, de s’appuyer à la fois sur une Chambre […] dont vous avez compris qu’elle est elle-même en pleine évolution, […] et puis nous avons la volonté aussi de nous appuyer sur les bonnes volontés du quartier, constituées en association des grandes sœurs, des grands frères qui ont connu des difficultés, des difficultés d’orientation, des difficultés d’insertion et les ayant surmonté viennent aider les plus jeunes pour qu’ils puissent trouver leur voie. »

« En Île-de-France il y a à peu près 80 000 élèves qui sortent du système scolaire en 3e ou seconde, abonde Philippe Pascal, chargé du projet au Département. On a beaucoup de gamins qui sortent sans aucune formation, donc l’idée c’était de pouvoir mettre des organismes de formations pour travailler avec ces jeunes »

S’implanter dans le Mantois n’est pas anodin pour la CMA qui dispose déjà d’un centre de formation de 750 jeunes à Versailles. « On a observé […] que 25 % d’entre eux venaient de ce territoire, souligne Evelyne Cazautets, directrice territoriale de la CMA. L’idée c’est de les accueillir à Versailles s’ils le souhaitent mais c’est aussi d’apporter une réponse dynamique avec les acteurs de territoire de façon à ce qu’on puisse travailler tous ensemble à cette mise en équation entre offre et demande de formation de travail, d’insertion professionnelle. »

Un pari qui peut sembler audacieux, le taux de chômage officiel dans le quartier du Val Fourré, plus de 20 000 habitants, ­atteignant 25 %. Mais qui pourrait marcher en proposant de découvrir une réalité concrète qui peut parfois faire défaut, comme en témoigne le maire par intérim mantais Sidi El Haimer (LR) : « J’avais participé à l’organisation du Forum de l’emploi. […] Je suis venu à l’ouverture […] je suis revenu en fin d’après-midi à la clôture et en échangeant avec les exposants, ils m’ont dit on a eu tout le monde mais on n’a eu personne. C’est-à-dire que les jeunes ça n’accrochait pas. Vendre le BTP en costume cravate avec des fascicules […] ça ne prend pas. »

Souplesse et proximité sont ainsi les termes répétés par les différents interlocuteurs. « Une des grandes révolutions qu’on est en train de faire, comme on l’a fait avec le nouveau collège, c’est d’être ouvert sur le quartier, insiste Pierre Bédier. Ces objets pédagogiques ont été vécus comme des espèces de forteresses posées et interdites d’accès à ceux qui n’en faisaient pas partie, ce qui créait des tensions. »

« En Île-de-France il y a à peu près 80 000 élèves qui sortent du système scolaire en 3e ou seconde, abonde Philippe Pascal, chargé du projet au Département. On a beaucoup de gamins qui sortent sans aucune formation, donc l’idée c’était de pouvoir mettre des organismes de formations pour travailler avec ces jeunes, essayer de leur trouver une formation professionnelle qui soit intéressante. L’idée c’était de diversifier en termes de formations [proposées]. »

Amadou Banor sera partie prenante de cette petite « révolution ». Le fondateur de l’association Nouveau départ, plombier depuis 20 ans, proposera dans les locaux de l’ancien foyer du bâtiment D, des initiations aux différents métiers du bâtiment à travers un parcours d’une semaine à dix jours, avec des intervenants professionnels. « Chaque jour on découvrira un métier », précise Amadou Banor. À l’issue, la ­personne pourra ensuite être orientée vers la formation ad hoc. « Le piège [de l’orientation] c’était quoi à l’époque ? Ils choisissaient un vœu, ils y allaient et au bout de deux semaines ils arrêtaient en disant je n’ai pas aimé », se souvient-il.

S’implanter dans le Mantois n’est pas anodin pour la CMA qui dispose déjà d’un centre de formation de 750 jeunes à Versailles. « On a observé […] que 25 % d’entre eux venaient de ce territoire », souligne Evelyne Cazautets, directrice territoriale de la CMA.

À l’étage sera aménagé un restaurant solidaire, pour fournir des repas aux apprentis, mais aussi aux personnes extérieures. « On crée ce restaurant solidaire pour créer ce moment de partage avec les habitants du quartier, les personnes de l’extérieur mais qui sont à Mantes-la-Jolie, et aussi rompre l’isolement social et économique », détaille Aissata Sakho, présidente de l’association Working girls qui s’occupera du projet. Quatorze personnes en contrat d’insertion seront présentes pour faire fonctionner le restaurant du lundi au vendredi.

Plus institutionnel, l’ancien bâtiment B sera la chasse gardée de la Chambre des métiers et de l’artisanat, qui a déjà pu prendre possession des lieux via un Parcours réussite orienté vers la découverte des métiers de la coiffure. « Les jeunes entrent quand ils le souhaitent, quand leur projet est abouti, qu’ils ont envie de travailler de façon très pratique sur la coiffure dans nos ateliers, mais également ponctué de stages, détaille Cécile Perrotte, directrice du CFA de Versailles. Tout ça va aller jusqu’à une sortie qui est une signature d’un contrat d’apprentissage pour passer le CAP qu’on va faire passer l’année prochaine. On ouvre au brevet professionnel, on peut aller jusqu’au BTS. »

En septembre 2023, la CMA prévoit d’ouvrir des formations autour des métiers de bouche. « Nous avons un autre hall qui va être refait pour un atelier de boulangerie, boucherie et cuisine », souligne Ronan Keraudren, président de la CMA Île-de-France-Yvelines. « Nous envisageons également de faire de ce Campus un écrin pour un bel outil qui s’appelle la Cité du goût et des saveurs qu’on est en train de déployer au niveau de la Chambre régionale sur toute l’Île-de-France avec un certain nombre de partenariats en direction aussi bien du grand public, poursuit Evelyne Cazautets. […] J’aimerais bien proposer un projet de la fourche à la fourchette avec un certain nombre d’interactions qu’on pourrait faire ici dans le cadre d’ateliers. » Ronan Keraudren se montre plutôt optimiste quant au succès de l’établissement : « Nous avons notre CFA de Versailles qui crée des jeunes Meilleurs apprentis de France au niveau départemental, régional, national. […]. Tous ces jeunes-là sont formés à Versailles, il n’y a pas de raison qu’on n’y arrive pas ici. »