Voyages, voyages, plus loin que les apparences

Crédits : Peggy Riess

Depuis 1998, Managroup se réunit autour de leur passion pour la danse et le théâtre afin de construire ensemble un spectacle réunissant ces thèmes. « Au début de chaque saison, nous nous mettons tous en cercle » raconte Nicole Ponzio, la directrice artistique et metteuse en scène des spectacles de la troupe, « puis selon le thème, j’essaie de trouver celui qui les touche le plus, celui qui ravive un souvenir. Car tout le monde en a un. »

Et après avoir vécu dans le monde des rêves l’année dernière, cette année place au voyage. Le titre est d’ailleurs équivoque – Voyages, Voyages – mais n’est absolument pas une interprétation scénique de la chanson de Desireless. Le spectateur sera amené à naviguer dans différents tableaux, ­indépendants les uns des autres.

L’improvisation occupe une grande part pour la construction de ce spectacle puisqu’au début des répétitions, Nicole Ponzio ne savait pas où cette aventure allait l’amener : « Je ne sais jamais à l’avance comment cela va se finir. Cela se transforme suivant des actions, l’imaginaire des acteurs, même parfois « des accidents » peuvent être conservés. » Comme exemple parlant – et sans vouloir trop en dévoiler – la directrice décrit une scène entre un père et sa fille. Les deux protagonistes devaient embarquer tous les deux dans un voyage mais finissaient par s’éloigner mutuellement. Au départ complètement dansée, la scène s’est muée avec les deux protagonistes séparés par des danseurs dont la gestuelle rappelle un fleuve. Le père devant avouer à sa fille qu’il ne pouvait pas l’accompagner car il était mourant, les danseurs-fleuves symbolisent ainsi les eaux du Styx, embarquant l’homme dans les limbes.

D’ailleurs, toutes les scènes sont très personnelles : « Chacun a eu quelque chose à raconter à propos d’un voyage qu’il a fait ou pas. Forcément dans ces discussions-là, on finit par se connaître et certains se livrent à cœur ouvert. » Mais pourquoi se livrer ? Managroup n’est pas une troupe comme les autres, elle est inclusive. La moitié des performeurs ou performeuses sont porteurs d’un handicap mental pouvant provenir de multiples raisons (naissance, accidents…) mais Nicole Ponzio ne s’attache pas à cela : « Je suis au courant pour certains mais pour d’autres non. Je ne me pose pas en thérapeute et ils ne sont pas tenus de me le dire. » Il y a juste quelques adaptations sur les chorégraphies. « Je ne vais pas mettre de pirouette. Je crée des danses et je les laisse les interpréter » explique-t-elle, « de toute façon chacun fera comme il peut avec la ligne directrice que nous nous sommes fixées. C’est pareil pour les textes. Je pense que c’est plus juste » Nicole Ponzio s’amuse de cela et voit en ces adaptations – qui peuvent même avoir lieu le jour J – une surprise permanente.

Finalement pour la troupe, le handicap reste un non-sujet. « C’est même eux qui nous acceptent » s’exclame la directrice artistique, « je m’intéresse à la personne entière et je fais avec ce qu’ils sont. Et du coup ils font avec ce qu’ils sont aussi. »