Les deux cheminées de l’ancienne centrale EDF de Porcheville surplombent encore le ciel du Mantois. Et même si leur fin de règne est programmée pour 2026, leur destruction ne laissera pas un trou béant dans Porcheville puisqu’à la place, ce seront 18 000 panneaux solaires qui jalonneront l’ancien site du producteur d’énergie français. D’une surface de 10 hectares, la future centrale photovoltaïque produira environ 11Gwh/an, soit l’équivalent de la consommation résidentielle annuelle d’environ 6 400 franciliens.
Tout un symbole pour Yann Wehrling, vice-président de la Région chargé de la transition écologique, du climat et de la biodiversité. « D’une énergie carbonée, nous allons passer à une énergie décarbonée » souligne-t-il. On se félicite de la même manière du côté d’EDF Renouvelables, la filiale du géant français en charge du projet : « c’est un projet emblématique de la transition énergétique, dans une logique de reconversion et de valorisation d’un site d’implantation d’une ancienne centrale thermique. »
Toutefois, cette volonté de l’instance régionale et de l’entreprise française – complètement dans l’air du temps – est également imposée par la loi de Transition Energétique pour la Croissance Verte où, à l’intérieur de celle-ci, se trouve un objectif de 32 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie fixé à l’horizon 2030. Ceci explique donc l’apparition de plusieurs centrales solaires sur notre territoire. La plus imposante se trouvant déjà à quelques kilomètres de là, à Gargenville.
Ne pas tomber dans le panneau
Sur un terrain du dépôt pétrolier de TotalEnergies, la compagnie multi-énergies de production et de fourniture d’énergies a dévoilé en octobre 2022 « un ouvrage emblématique de ce que TotalEnergies veut faire sur le territoire de l’Île-de-France. » À l’époque, Élisa Cœuru, directrice régionale Île-de-France de TotalEnergies, clamait que sa société souhaite décarboner la production et les usages pour atteindre la « neutralité carbone en 2050 ». Greenwashing ou non, la firme pétrolière affirme que les 26 GWh/an d’électricité verte dégagées par les 53 000 panneaux solaires – ce qui correspond à la consommation annuelle d’environ 5 600 foyers – permet d’éviter l’émission de plus de 2 900 tonnes de CO2. Par ailleurs, aucun montant sur les différents investissements n’avait filtré, mais selon Michiel Van Raebroeckx, directeur des établissements de Grandpuits (Seine-et-Marne) et Gargenville de TotalEnergies Raffinage France, la centrale solaire installée en vallée de Seine aurait coûté « plusieurs dizaines de millions d’euros ».
Éviter les sites orphelins
Partons maintenant à Triel-sur-Seine où le groupe URBASOLAR, une entreprise de construction de centrale solaire photovoltaïque, a effectué l’installation et contribue à la gestion et la maintenance d’une autre centrale solaire sur le territoire yvelinois. Inaugurée le 26 juin 2023, elle délivre 21 GWh/an grâce à ses 45 000 panneaux solaires ce qui représente l’équivalent de la consommation électrique annuelle de 10 350 personnes, soit « 83 % de la population de Triel-Sur-Seine » d’après GPSEO.
Avec Porcheville, les Yvelines compteront donc d’ici 2-3 ans plus de 116 000 panneaux solaires répartis sur 3 centrales, ce qui en fait le deuxième département en Île-de-France à en compter le plus derrière la Seine-et-Marne. « Non, il n’y a pas plus de soleil dans les Yvelines » s’amuse Yann Wehrling. L’explication se trouve dans l’agencement de notre territoire : « L’Île-de-France représente 3 % du territoire français en surface. Il y a 25 % du territoire urbanisé, donc difficile de faire de l’éolien, et à cela s’ajoute 25 % de forêt de grand prestige qu’il faut préserver. Les Yvelines bénéficient surtout d’un foncier disponible grâce à un nombre de friches plus important que d’autres départements. » Les friches, ces terrains dont beaucoup d’entreprises sont friandes.
Un montage financier inédit
« Vous avez différentes catégories, très, peu ou pas polluées, explique le vice-président de la Région chargé de la transition écologique, du climat et de la biodiversité. En fonction de cette catégorie, nous ne pouvons pas avoir les mêmes projets. Le site de Porcheville étant très pollué, c’est utiliser au mieux un terrain dont nous ne pourrions pas faire autre chose. » C’était d’ailleurs le même cas de figure à Triel-sur-Seine. Fermés depuis 1990, ces terrains dégradés ont accueilli des couches de remblais successifs par des déchets inertes jusqu’en 2023. Quant à Gargenville, le site choisi appartenait déjà à TotalEnergies. De plus, chacune des communes impliquées a bien accueilli ces projets car cela leur permet d’éviter les sites « orphelins », c’est-à-dire abandonnés par un industriel pour diverses raisons et dont la pollution des sols est telle qu’elle empêche la construction de logements ou de bureaux.
L’opération de transformation du site de Porcheville a été permise grâce au partenariat entre la région Île-de-France et le producteur d’électricité. Mais aucun des deux partenaires ne souhaite évoquer de chiffre précis, même si des murmures annoncent plus de 6 millions d’euros au total. Seule information, la création d’une société d’économie mixte – une société anonyme dont le capital est majoritairement détenu par une ou plusieurs personnes publiques avec un plafonnement de 85 % dudit capital – qui permettra une prise de participation financière à hauteur de 20 % maximum. « Le projet de Porcheville nous a permis d’y penser, détaille Yann Wehrling, il y a effectivement besoin d’avoir de l’argent public pas seulement en tant que subvention mais aussi pour de la prise de participation dans des projets qui ont besoin de fonds et de capitaux. »
Le vice-président rassure toutefois les sociétés habituées à effectuer de l’investissement, la Région n’a pas vocation à se substituer à eux car elle ne se focalisera pas sur le caractère rentable : « L’innovation sera le plus important, surtout s’ils participent à une politique générale comme l’implantation d’énergie renouvelable en IDF. » Nonobstant, l’instance régionale pourrait bien recevoir des bénéfices à terme. « Mais ils réalimenteront le fonds pour réinvestir directement derrière, précise Yann Wehrling, c’est une amorce pour d’autres projets ».
En effet, la Région souhaite diversifier les énergies propres dans les Yvelines. D’après plusieurs études, la France bénéficierait d’un potentiel géothermique unique au monde et notre département ne ferait pas figure d’exception. Une étude prospective a été lancée afin d’établir des futurs sites. De plus, avec la collecte des biodéchets, la méthanisation agricole pourrait connaître un véritable essor. L’institution dirigée par Valérie Pécresse surveille également les avancées sur l’utilisation de l’hydrogène.
Les travaux de la future centrale photovoltaïque devraient débuter fin 2025. Actuellement, EDF Renouvelables réalise plusieurs études afin de mieux connaître les différents enjeux de la biodiversité locale. L’entrée en service est prévue pour le dernier trimestre 2026. Et l’ère des deux tours du Mantois sera définitivement révolue.