Élu local : une réforme pour retrouver de l’attractivité ?

Complexité administrative, menaces physiques et verbales, les maires sont de plus en plus bousculés dans leur fonction. Au point que certains démissionnent ou ne veulent plus se représenter. Actuellement, une proposition de loi est en train d’être débattue dans les deux chambres parlementaires afin de rendre le poste plus attractif.

Depuis juin 2020, près de 1 300 maires ont décidé de rendre leur écharpe, soit près de 40 par jour. Parmi les causes recensées, nous retrouvons les problèmes de santé mais aussi les souffrances psychologiques liées à l’exercice de la profession. En effet, les menaces physiques et verbales se multiplient. Sur le territoire de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise, nous pouvons citer Michel Lebouc, maire DVG de Magnanville pris plusieurs fois à partie à cause du projet de la future maison d’arrêt, ou le député de la 12ème circonscription Karl Olive représenté à l’intérieur d’un sac mortuaire sur X (ex-Twitter). « Les maux sont multiples, les élus locaux sont à la tête de collectivités de toutes tailles avec des problèmes qui leur sont propres, analyse Pierre Fond, président de l’Union des maires des Yvelines, mais certains font l’objet de violences et contestations qui dépassent les bornes. » Edile de Sartrouville depuis 1995, il voit la situation se dégrader d’année en année. Catherine Arenou, qui occupe la même fonction à Chanteloup-les-Vignes a même cru voir sa dernière heure arriver une fois. « L’avantage ici [à Chanteloup-les-Vignes], c’est que nous voyons les problèmes se pointer plus tôt, plus vite et de manière plus intense » ironise-t-elle.

Si les violences sont dures à supporter, la complexité administrative en rajoute une couche. « Le moindre projet demande plus de temps qu’auparavant » explique Pierre Fond. Il déplore la perte de nombreux leviers fiscaux comme la suppression de la taxe professionnelle et la taxe d’habitation – même si les deux sont dorénavant compensées par l’Etat – ainsi que la loi sur la zéro artificialisation des sols : « J’ai des collègues qui n’arrivent pas à faire émerger des projets immobiliers. » Des leviers jadis votés en conseil municipal… comme c’est toujours le cas pour l’indemnité du maire. « C’est inconcevable, cela donne l’impression qu’on mendie » s’indigne le président de l’union des maires des Yvelines. L’élue chantelouvaise joue alors carte sur table et énonce ses différentes rénumérations. « Environ 1 20 euros pour la Mairie, 600 euros pour mon poste au sein de GPSEO et une autre pour le Département qui est la plus importante » énumère-t-elle, tout en précisant qu’elle gagnait deux fois plus en étant médecin, métier qu’elle n’exerce plus depuis 2015 et son entrée au conseil départemental.

« Conforter les maires ruraux »

Une difficulté à « professionnaliser » la vie d’élu qui rappelle les propos de la sénatrice des Yvelines Ghislaine Senée dans notre édition du 18 octobre 2023 : « C’est tellement dense et exigeant que je ne voulais pas avoir deux postes. Jusqu’en 2020, j’occupais le poste de maire ainsi que celui de conseillère régionale car j’avais besoin de temps pour comprendre comment gérer une commune. Également car c’était mes uniques ressources financières. » Selon Pierre Fond, les maires des communes rurales sont les plus à plaindre. « Dans nos villes de plus de 10 000 habitants, nous pouvons compter sur des grandes équipes municipales, analyse le vice-président délégué à l’intercommunalité au sein du Département. Mais pour les petites villes et villages ruraux, c’est compliqué de rassembler plusieurs compétences. Il faut vraiment les conforter financièrement. »

La maire chantelouvaise Catherine Arenou trouve que les nouveaux députés macronistes sont complètement hors sol

De plus, ceux qui décident de quitter leur travail pour se consacrer 100 % à la Mairie se mettent en porte-à-faux. « Un élu, le soir même où il perd une élection, il a tout perdu. Nous n’avons pas le droit au chômage, détaille Pierre Fond. Il serait donc naturel de cotiser pour le chômage et aussi pour les retraites car elles sont assez minimes. » Si ces aspects ont bien été pris en compte et votés le 7 mars au Sénat lors de l’étude de la proposition de loi créant un statut de l’élu local, les députés Horizons ont évoqué un autre sujet lors de leur niche parlementaire la semaine suivante : le retour de certains cumuls de mandats. En effet, depuis 2013, il est interdit d’être député-maire ou sénateur-maire.

Retrouver un ancrage local

« Ce n’est pas la mère de tous les maux » temporise le maire de Sartrouville, même si Catherine Arenou est un brin plus vindicative : « De nombreux députés actuels sont complètement hors sol ». « C’est vrai que cela permettait à des députés de mieux comprendre les conséquences de certaines lois » se remémore le président de l’union des maires des Yvelinois. Le retour de ce cumul est réclamé à cœur et à cri par Karl Olive. En plus de sa tribune parue dans le JDD l’année dernière – signée par nos deux édiles interrogés – l’ex-maire pisciacais l’avait de nouveau évoqué lors de sa cérémonie des vœux 2024.

Karl Olive, député de la 12ème circonscription, est un fervent défenseur du retour au cumul des mandats

L’élue chantelouvaise périphrase même son collègue du conseil départementale : « La représentation nationale doit avoir les pieds dans la boue aussi. » Mais ce sujet réveille des vieux démons : comment justifier d’être partout à la foi ? « Sur chacun de mes mandats (maire, conseillère départementale, conseillère communautaire, Ndlr), je traite la même thématique et c’est cette transversalité qui me permet d’agir efficacement, justifie l’ancienne médecin, même si évidemment je ne me contente pas de travailler 35 h. »

Une crise démocratique en 2026 ?

Même si l’Association des maires de France a rédigé un courrier regrettant que le texte du Sénat n’aille pas assez loin, Pierre Fond se satisfait de voir la machine enfin lancée : « Après il faudra le nourrir de réflexions et d’apport supplémentaires mais nous avons enfin été entendu. » Un statut qui permettrait de créer des vocations même si Catherine Arenou s’amuse de cette tournure de phrase : « Au début je ne voulais même pas être conseillère municipale. Puis Pierre Cardo (maire de Chanteloup-les-Vignes de 1983 à 2009, Ndlr) est venu me chercher pour être sur sa liste. Et je ne voulais pas non plus prendre sa suite quand il a eu l’idée de passer la main. Toutefois, maintenant je suis persuadée que je n’étais pas faite pour être maire mais pour être maire de Chanteloup. »

Cependant, elle reste pessimiste pour la suite et craint une véritable crise démocratique pour les élections municipales de 2026. « Je pense qu’il y a des élus qui s’interrogent sur le fait de se lancer dans un nouveau mandat », soupire-t-elle, « et l’hémorragie concerne aussi les maires adjoints et les conseillers municipaux » renchérit Pierre Fond.

Tantôt « cœur de la démocratie » pour le président du Sénat Gérard Larcher, tantôt « principaux collaborateurs » pour l’ex-préfet des Yvelines Bernard Niquet, les élus locaux vont donc guetter les prochains mois afin de connaître les futures modalités de leur éventuel nouveau statut et se demander si le jeu en vaut bien la chandelle.