Il aura toujours 15 ans pour elle. Béatrice le Blay voulait rendre hommage à son « unique enfant », Nicolas, un an tout juste après son suicide survenu le 5 septembre 2023. La douleur reste vive, mais tout au long de cette marche blanche, elle refuse de s’effondrer. Cependant, lors de ses différentes prises de paroles, des moments de silence entrecoupent certaines phrases, laissant ainsi transparaître son émotion. Tout débute à 13 h 30 au cimetière de la Tournelle, où 250 personnes se sont réunies. Parmi elles, des proches, des amis et même des inconnus, preuve que la mort de l’adolescent pisciacais a secoué la cité Saint-Louis. Plusieurs personnalités politiques se sont aussi jointes au cortège, notamment Gabriel Attal. Invité par la mère de Nicolas, l’ex-Premier Ministre avait confirmé sa venue « quelles que soient les circonstances institutionnelles ou politiques ».
« J’ai l’impression qu’il s’est sacrifié »
Béatrice le Blay retrace alors la vie de son fils et sa joie de vivre communicative. C’était un véritable touche-à-tout. Nicolas aimait autant jouer de la contrebasse – « qu’il considérait comme une sœur » – que s’attarder sur les jeux vidéo. « Un vendredi, il s’était fixé de sortir 3 vidéos en un week-end afin de les mettre sur sa chaîne YouTube. Il était tout heureux d’avoir atteint son but » se remémore sa maman. La littérature prenait également une place prépondérante. Parmi les répliques qu’il connaissait par cœur se trouve une du Cid : « Va, je ne te hais point. » Une phrase qu’il aurait très bien pu tenir face à ses deux harceleurs.
D’ailleurs, le harcèlement scolaire était son principal combat. Nicolas connaissait par cœur le nombre de cas de suicide en France des vingt dernières années. « Maman, combien en faudra-t-il pour enfin agir ? » questionnait-il sans cesse. Durant son dernier été, un média national diffuse à la radio un reportage sur ce sujet, et dans la voiture qui l’amène en Bretagne, l’adolescent clame sans détour que « tout ce que dit le rapport est vrai ». Une affirmation péremptoire car lui-même était victime de ce fléau. « J’ai l’impression qu’il s’est sacrifié » lâche Béatrice le Blay. Elle s’arrête donc devant le lycée Adrienne Bolland où le calvaire de son fils a commencé : « Deux de ses camarades répétaient sans cesse qu’il était nul, moche et l’ont même poussé une fois dans les escaliers. » L’adolescent aurait pu se défendre – « je pouvais leur casser la gueule car je suis plus fort qu’eux » raconte sa mère en rapportant ses mots – mais il avait une sainte horreur de la violence.
Une marche pour toutes les victimes de harcèlement scolaire
Même s’il minimise les actes comme tout bon enfant, « laisse tomber ce sont des abrutis maman », un rendez-vous est pris avec le proviseur. « Son accueil a été des plus hautains, il nous a reproché de ne pas avoir de preuve tangible, relate-t-elle, j’ai eu l’impression de vivre un cauchemar, et notre fils était présent. » Un cauchemar qui n’en finit pas puisqu’un mois plus tard, alors que Béatrice et le père de Nicolas demandent les actions concrètes mises en place suite à cette réunion, ils reçoivent « le courrier de la honte » dixit Gabriel Attal : en guise de réponse, la menace du rectorat de Versailles de porter plainte pour dénonciation calomnieuse. « Nicolas était derrière moi, à partir de ce moment-là, il n’a plus jamais été le même » soupire Béatrice. En plus de ne pas être reconnu comme victime, l’adolescent voyait ses parents présentés comme des coupables : « Comment se relever après un tel cataclysme ? » Des représentants de l’institution académique étaient d’ailleurs présents à la marche blanche. Son directeur, Etienne Champion et la directrice académique Sandrine Lair, ont préféré rester discrets, se présentant tout de même à la mère de Nicolas.
À la fin de cette marche, place de la République, Béatrice le Blay annonce qu’elle a porté plainte contre X, pas seulement pour son fils mais également pour toutes les victimes de harcèlement scolaire. « Nous avons besoin que justice soit faite pour faire notre deuil » explique-t-elle.