
Nous sommes le 15 août 2023. Lors de sa tournée du matin, un éboueur est visé par un tir de pistolet à grenaille, à Mantes-la-Jolie, par un habitant n’ayant pas voulu attendre que les agents fassent leur job. Si le drame a été évité de justesse, la victime ne reprendra plus le chemin du travail.
Cet épisode d’une rare violence est l’illustration d’une augmentation sensible des agressions à l’encontre des agents de collecte des déchets. « Depuis ce jour-là, on a observé au moins un événement majeur par mois, s’inquiète Gaëtan Maillet, directeur d’établissement à la Sotrema, société qui gère la collecte des déchets dans le Mantois. C’est devenu la norme, ça fait partie du quotidien pour nos équipes ». Par « événement majeur », Gaëtan Maillet sous-entend, par exemple, une agression à coups de bâton d’un automobiliste sur un chauffeur. Un habitant qui lâche son chien sur un rippeur. Ou un agent qui se fait bousculer par une camionnette, incapable de patienter quelques secondes le temps qu’il fasse simplement son travail.
Ces excès de violence sont provoqués par des situations qui en aucun cas ne semblent les justifier, comme des camions qui bloquent quelques instants la circulation, ou encore des consignes de tri incomprises. « Il y a une forme de fatalité chez les agents, regrette le directeur de l’établissement. Les gars partent travailler en sachant très bien qu’aujourd’hui, potentiellement, ils se feront insulter, ou pire, agresser. Je suis dans la collecte depuis presque 30 ans, on a toujours eu ces comportements-là. Mais là, ça s’est quand même amplifié ».
Mais qu’est-ce qui peut bien provoquer cet accroissement récent des comportements violents ? S’il est difficile de trouver une cause unique, plusieurs facteurs peuvent l’expliquer. Gaëtan Maillet, lui, à sa propre opinion. « Je pense que c’est aussi lié à la société d’aujourd’hui. C’est la « génération Amazon ». Aujourd’hui, tout doit aller vite. Quand on tombe derrière le camion poubelle, qui vous fait perdre 3 minutes dans votre timing qui était déjà serré, plus le feu rouge, ou les travaux… C’est l’ensemble de tout ça qui fait qu’à ce moment-là, il y a un être humain qui est devant vous, qui vous gêne, et c’est lui qui prend. Mais il ne fait que son travail ».
Une autre explication possible est le changement récent des modalités de collecte des déchets au sein des communes de Grand Paris Seine et Oise. Le directeur d’établissement de la Sotrema admet que cela a « amplifié le phénomène ». « Déjà qu’effectivement, ce n’était pas forcément toujours simple, mais là, notamment les déchets verts, on collectait toutes les semaines, on va passer à tous les quinze jours. Ça va forcément susciter des tensions, alors que nous, on ne fait qu’appliquer les règles. Mais c’est aussi le sens de l’histoire de réduire les collectes en porte-à-porte, d’aller vers une amélioration de notre bilan carbone ».
Pour faire face à ces excès de violence, la Sotrema tente de s’adapter par tous les moyens. En modifiant ses circuits de collecte en fonction de la circulation et des heures de pointe, par exemple, pour générer le moins de nuisances et de ralentissements possibles. Quant aux consignes données aux agents, elles sont claires. « Depuis l’accident du mois d’août 2023, on a sensibilisé les gars sur des gestes, sur des postures, et sur le fait qu’en cas de tension, on quitte les lieux, assure Gaëtan Maillet. On n’essaie pas de discuter. L’idée, c’est vraiment de se dégager du danger. On essaie d’analyser au maximum ce genre d’événements quand ils arrivent, d’essayer de comprendre pourquoi, et de réfléchir à ce qu’on pourrait faire pour ne pas que ça arrive de nouveau ».
Améliorer la communication autour des consignes de tri fait partie des pistes évoquées pour permettre aux habitants d’anticiper et de mieux comprendre les règles de collecte des déchets. Ça tombe bien, la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise a récemment lancé son application « Info déchets GPSEO », qui permet de garder un œil sur le calendrier de collecte et d’obtenir des informations personnalisées selon notre adresse.