La taxe foncière à 6 % votée par les élus communautaires

L’exécutif a argué de la nécessité de cette hausse pour assurer l’exercice de ses compétences, mais aussi sa participation aux financements de grands projets. Deux heures de débat ont toutefois été nécessaires, certains pointant un taux trop élevé.

La communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise (GPSEO) rattrapée par sa situation financière. Sans surprise, lors du conseil du 17 février dernier, la présidente Cécile Zammit-Popescu (DVD) et son exécutif ont présenté la délibération actant la création d’une taxe foncière de 6 % pour les 73 communes qui composent GPSEO. Une création qui avait été évoquée en fin d’année dernière auprès des maires et dont la nouvelle présidente avait appuyé la nécessité dès son élection.

La distribution d’un « Kit fiscalité » de cinq pages aux élus communautaires, afin d’expliquer la situation, n’aura pas suffi à calmer les esprits, les débats ayant duré un peu moins de deux heures ce soir-là, dans un contexte tendu. De nombreux maires ruraux ont exprimé leurs inquiétudes, dans un contexte de très forte inflation, de voir leurs administrés subir un matraquage pour rééquilibrer les comptes. Plusieurs voix se sont exprimées, demandant une analyse des investissements et des arbitrages, des économies, un taux de fiscalité moindre ou encore d’attendre 2023. Des arguments que Cécile Zammit-Popescu a réfuté, arguant que les 39,8 millions de recettes obtenues permettront d’exercer les compétences du quotidien mais aussi de pouvoir assurer sa participation aux grands projets, dont l’aménagement des pôles gares Eole.

« Dès demain je vais avoir des administrés qui vont venir me voir avec leur avis de taxe foncière », souriait amèrement un maire d’un petit village, à la fin du conseil communautaire. Car depuis sa création au 1er janvier 2016, plusieurs principes avaient été actés, dont le non-recours à la fiscalité foncière. Cependant, dès la première présentation budgétaire en 2017, la situation ne laissait guère de place à l’optimisme, comme l’a rappelé le vice-président aux finances et maire de Perdreauville, Pascal Poyer (SE).

« La communauté urbaine est en déficit structurel depuis sa création et en particulier depuis 2018 en raison du choix de principe de neutralité fiscale, de la sous-évaluation des attributions de compensation, de la perte de recettes issues de la fiscalité économique, de l’érosion du résultat global reporté qui a toujours été masqué par des recettes exceptionnelles, de l’augmentation des charges », énumère-t-il. Il évoque également une mise sous tutelle « inéluctable dès 2023, puisque notre déficit sera supérieur à 5 % de nos ­recettes de fonctionnement ».

Dans son document, la communauté urbaine précise que, pour l’année 2021, ses dépenses s’élèvent à 406 millions d’euros, pour des recettes de 395,5 millions d’euros, se rapprochant dangereusement d’un effet ciseaux, et d’un déséquilibre du budget. « Seul le levier fiscal nous permettra premièrement de restaurer nos ratios financiers, de ramener immédiatement, notre capacité d’autofinancement à 45 millions, et notre désendettement à quatre ans, et troisièmement de réaliser sur la durée du mandat nos ­investissements », appuie Pascal Poyer.

Entré au conseil communautaire en 2020, le maire d’Issou et président du groupe Ensemble pour GPSEO, Lionel Giraud (DVG), rappelle qu’à l’époque, l’aile gauche de l’exécutif avait plaidé pour l’instauration d’une taxe foncière avec un taux moindre. « Ce rattrapage fiscal, je le redis, est donc tardif, ce qui le rend encore plus douloureux pour les foyers concernés, nous parlons ici de sommes supérieures à 200 voire 300 euros pour chaque foyer et ce dans un contexte de perte de pouvoir d’achat et un contexte inflationniste », poursuit-il.

Il alerte cependant sur les attentes des administrés suite à cette hausse. « Nos concitoyens, et c’est fort légitime, vont vouloir constater rapidement en quoi cet effort va améliorer leur quotidien, note-t-il. La programmation pluriannuelle d’investissement (PPI) voirie par commune, globalement satisfaisante, donne des signes encourageants en ce sens. Mais il ne faudra pas se contenter d’ouvrir des lignes budgétaires, il faudra s’assurer de la ­réalisation effective de ces travaux. »

Dans le groupe Seine, Jean-Luc Gris (SE), président et maire de Gaillon-sur-Montcient, insiste sur les économies réalisées par GPSEO en matière de fonctionnements et s’adresse, à demi-mot, aux critiques formulées durant la semaine par les administrés : « Il faut arrêter de s’imaginer que les élus ne sont pas responsables et gaspillent l’argent de nos concitoyens. » La veille du conseil communautaire, dix associations dont l’AVL3C, le Copra 184 ou encore Non au pont d’Achères, ont diffusé une lettre ouverte concernant l’instauration de cette taxe foncière. « Il y a certainement des économies à faire dans le fonctionnement de la communauté urbaine, avant de taxer encore les citoyens, qui voient le coût de l’énergie, du retraitement des déchets, etc. augmenter de façon exponentielle, écrivent-elles. Vous avez été élus pour nous représenter et défendre nos intérêts collectifs face à cette situation prévisible… depuis 2016. »

Dans son document, la communauté urbaine précise que pour l’année 2021, ses dépenses s’élèvent à 406 millions d’euros, pour des recettes de 395,5 millions d’euros, se rapprochant dangereusement d’un effet ciseaux, et d’un déséquilibre du budget.

« Les augmentations du coût de l’énergie et des produits impactent également les comptes des collectivités locales », répond donc Jean-Luc Gris, avant d’inviter ses collègues à se pencher sur les « abattements obtenus par les communes » ou sur les montants des attributions de compensation versés à GPSEO : « Dans la majorité des cas, ceci se traduit par une retenue au titre des investissements de voirie, cinq fois inférieure à ce que vous épargnez pour financer le reste à charge pour votre commune. » Un calcul que confirme la vice-présidente chargée des relations aux communes et des espaces publics, Suzanne Jaunet (LR), et qui a notamment mené les travaux de la commission d’évaluation des charges : « On n’est pas allés au bout du bout, parce qu’encore une fois, on a été un peu généreux avec les communes, on n’a pas fait tout ce qu’il fallait faire, on s’est donné encore des marges de manœuvre pour ne pas que les communes soient pénalisées. »

Elle enjoint cependant ses collègues « à prendre le tournant », rappelant qu’il s’agissait d’un vote d’une fiscalité intercommunale et non communale. « On ne peut être exigeant et ambitieux dans notre projet de territoire sans y mettre les moyens que nous n’avons pas aujourd’hui, abonde le président de TCSO et maire méziérois, Franck Fontaine (LREM). […] Nous savons que ces projets sont essentiels pour notre territoire, mais si nous voulons plus et ne pas nous endormir voire à terme nous appauvrir entre Paris, la petite couronne, et la Normandie qui, elle, est en mouvement, il nous faut investir et travailler. »

Sans remettre en cause la hausse, bon nombre d’intervenants dans la salle estiment que le taux fixé à 6 % est « énorme », à l’instar de Fabrice Lepinte (SE), maire de Goussonville. « Si je regarde la balance des recettes qui ne rentrent plus dans le budget de la communauté urbaine […] et que je regarde parallèlement les investissements qui ont été faits sur ma commune, la balance est largement en faveur de la communauté urbaine », déplore-t-il. Dans la salle, la maire de Vert, Jocelyne Reynaud-Léger, fait également entendre sa voix. « Ce sont les propriétaires qui vont supporter le poids de la remise sur les rails de la communauté urbaine, ces propriétaires, représentant la totalité des habitants des communes qu’on peut appeler rurbaines. […] Comment justifier cette double injustice ? », questionne-t-elle. « Entre zéro et six points, il y a une marge, enchaîne le maire de Drocourt et vice-président aux finances sous la précédente mandature, Dominique Pierret (SE). Il aurait fallu justifier [cette augmentation] par une prévision, avec les niveaux de résultats prévus, la fiscalité prévue, malheureusement ce ne sera pas le cas, je trouve ça dommage. »

Toutes ces positions se verront voir une réponse ferme du maire de Poissy et vice-président aux sports, Karl Olive (DVD). « Il faut qu’on arrête de faire les vierges effarouchées, cette augmentation dès 2016 elle avait été évoquée, assène-t-il. […] Je verrais très mal et c’est très bien que ce ne soit pas un vote à bulletins secrets que celles et ceux qui nous donnent de grandes leçons, collègues maires, […], j’espère que ces personnes-là auront la même responsabilité de ne pas venir demain matin frapper à la porte du président du conseil départemental pour dire : président s’il vous plaît, le Département est gorgé de recettes, aidez-nous […] ».

L’ire des conseillers se fait alors entendre. « On est en train de nous dire qu’il ne faut pas qu’on vote à bulletins secrets parce qu’effectivement il faut qu’on ait le courage de dire ce qu’on a voté. Et d’un seul coup, sauf si j’ai mal compris, on est en train de nous dire que ce ne sera plus la peine qu’on aille demander des subventions au Département, si on n’a pas voté l’augmentation des 6 %, c’est ça que j’ai compris ? » reprend, estomaquée, Jocelyne ­Reynaud-Léger.

« N’y voyons aucune menace, puisque par définition, le Département est le partenaire institutionnel des communes, tempère le président dudit Département, également vice-président chargé d’Eole, Pierre Bédier (LR). Mais le Département ne peut donner que ce qu’il a et nous nous étions trouvés confrontés à la baisse gigantesque de notre dotation globale de fonctionnement […]. Il eût été impossible de continuer à aider les communes si nous n’avions pas augmenté la fiscalité (de 66 %, Ndlr) puisque l’aide aux ­communes est facultative. »

Pierre Bédier profitera également de sa position de conseiller municipal mantais pour questionner l’exécutif sur la possible future hausse de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) et la situation des huit anciennes communes du district urbain de Mantes-la-Jolie, qui n’en possédaient pas. « La loi accroît les contraintes et ces contraintes ont un coût, pointe-t-il. […] Nous avons besoin d’avoir l’assurance pour voter cette hausse que nous pensons nécessaire, mais qui deviendrait injuste si nous aussi nous étions concernés par l’augmentation de la TEOM. Est-ce que vous ferez le nécessaire pour qu’il y ait une adaptation pour faire que ces huit communes ne soient pas pénalisées ? »

Le maire d’Aulnay-sur-Mauldre, Jean-Christophe Charbit (SE), appuyé par Bérengère Voillot, adjointe trielloise à la culture, demanderont un vote à bulletins secrets, qui sera refusé. L’adoption de la taxe foncière à 6 % se fera, elle, par 90 pour, 29 contre et 18 abstentions. Nul doute que le sujet est cependant loin d’être enterré, le prochain conseil communautaire ayant pour ordre du jour le rapport d’orientations budgétaires.