« Menaces », « coup politique », vote à bulletin secret… Récit d’un conseil municipal hors norme

C’est à l’issue d’une séance longue de cinq heures que sept élus pisciacais ont officiellement perdu leurs délégations, le mercredi 2 juillet dernier. Une soirée qui laissera des traces et qui lance, déjà, les hostilités en vue des prochaines élections municipales.

Cette « mauvaise pièce » de cinq heures aurait très bien pu se jouer sur les planches du théâtre de Poissy. Mais c’est à l’étage de l’Hôtel de Ville, dans la salle du conseil, que s’est déroulée la tant attendue séance municipale du mercredi 2 juillet dernier. Cette longue soirée avait tout d’un véritable show : habitants présents dès 17 h pour s’assurer d’obtenir les meilleures places, applaudissements et huées (rapidement réprimandés) en réactions aux nombreuses invectives, et joutes littéraires durant lesquelles étaient cités, pêle mêle, Simone Veil, Victor Hugo, ou même… Barack Obama.

C’est pile à l’heure, sous les coups de 19 h, que ce véritable règlement de compte, suivi en direct par plusieurs centaines de Pisciacaises et Pisciacais, a débuté. Et d’emblée, la tension était palpable dans les regards, les sourires crispés, les regards noirs lancés à travers la pièce… et dans la voix de la maire, Sandrine Berno dos Santos, qui a lancé les hostilités. « Nous sommes réunis ce soir dans des circonstances que je n’aurais jamais souhaité devoir affronter », a-t-elle déclaré en préambule de ce « moment douloureux » mais qu’elle jugeait « nécessaire ». Car c’est bien elle qui a convoqué ce conseil municipal extraordinaire avec, à l’ordre du jour, le retrait des délibérations de cinq élus de la majorité. Leur tort ? Avoir « brisé le pacte de confiance » qui unissait la majorité, en n’ayant pas respecté la consigne interne lors du vote, une semaine plus tôt, du retrait des délégations (déjà) de Pierre-Alexandre Duchesne (voir notre édition du 2 juillet).

Les passes d’armes qui ont émaillé la séance ont permis aux intéressés de se défendre, et de dénoncer un « management autoritaire », comme l’a souligné Aline Smaani, troisième adjointe déléguée à la famille, aux aînés et aux solidarités, et première à passer sur le grill. Lydie Grimaud, chargée du commerce, de l’artisanat, des marchés forains et des déchets, a déploré « une manière de faire de la politique qui fait mal à la démocratie locale » avant que Vanessa Hubert, qui s’occupait de l’éducation et de la petite enfance, mette l’accent sur les « menaces » et les « pressions » dont aurait fait preuve l’édile pisciacais. Karine Emonet-Villain, préposée à la culture, a dénoncé la « stratégie » et le « long processus » qui a amené à cette « éviction », voire à cet « acte d’autorité unilatéral » comme le qualifie Éric Roger qui, après s’être vu retirer sa délégation aux sports (voir notre édition du 26 mars), a cette fois perdu celle le liant aux nouvelles technologies, à l’intelligence ­artificielle et à la cybersécurité.

Bien que la séance fut longue, elle n’a réservé aucun suspens : chaque vote a accouché du même résultat, avec 23 voix contre le maintien des délégations des élus concernés, 12 pour, et 2 abstentions. Actant, de fait, le retrait des délégations des 5 adjoints, en plus des conseillères municipales que sont Michelle Debuisser (déléguée au devoir de mémoire et aux relations avec les associations patriotiques) et Audrey Lepert (déléguée à la jeunesse et à la vie étudiante). « C’est, à une voix près, ce que j’avais calculé », nous glisse Sandrine Berno dos Santos. À la sortie de cette longue joute verbale, elle évoque un « sentiment d’énorme gâchis », et s’étonne qu’on lui « fasse endosser le mauvais rôle ». « On m’accuse d’avoir bordélisé le conseil municipal pour me débarrasser des gens. Mais si on en arrive ici aujourd’hui, c’est justement parce que quelqu’un a voulu bordéliser le conseil municipal pour reprendre la main dessus. Ça sent le coup politique pour permettre à certaines personnes de faire des annonces ». Elle ne croyait pas si bien dire.