Le 14 novembre dernier, la maire de Chanteloup-les-Vignes, Catherine Arenou (DVD), et 200 autres maires, avaient écrit une lettre ouverte au président de la République pour que les quartiers prioritaires et en politique de la Ville (QPV) ne soient pas les oubliés du plan de relance mis en place par l’État. Le 29 janvier, à Grigny (Essonne), lors d’un Comité interministériel des villes, le premier ministre Jean Castex (LREM) avait annoncé que 3,3 milliards d’euros supplémentaires seraient alloués à ces quartiers, dont 2,2 milliards exclusivement dédiés aux projets de rénovation urbaine portés par l’Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru).
Mais restait à décliner localement ces sommes et à en connaître la répartition autour de différents thèmes que sont l’éducation, la tranquillité et la sécurité publique, l’emploi et l’insertion, le sport, le logement et le cadre de vie et enfin la cohésion sociale. C’est en ce sens qu’un conseil territorial des Yvelines a été installé ce 13 avril dernier, en présence de la ministre à la Ville, Nadia Hai (LREM), rapporte Le Parisien. Si les élus interrogés par La Gazette ont trouvé l’idée intéressante pour mettre tous les maires concernés au même niveau d’informations et pouvoir plus facilement faire remonter leurs doléances, tous attendent désormais la concrétisation de ces annonces et notamment l’octroi de moyens financiers pour mener leurs projets à bien.
« [Lors du comité du 29 janvier], on a dit deux choses, la première c’est que ça ne marcherait pas s’il n’y avait pas à l’échelle du département, des comités territoriaux où des maires pourraient être présents et qui permettaient à ces maires en relation avec la préfecture de dire attention, ça untel m’a dit que ça ne marcherait pas, qu’à tel endroit ça ne marchait pas, souligne Catherine Arenou, des retombées. […] Ils les ont transformés en comité territorial départemental, Nadia Hai est venue en ouvrir quelques-uns,[…] ça c’est très bien mais elle son boulot ça a été de décliner ce que Castex nous avait déjà décliné au CIV. Il n’y a eu aucune annonce. »
La maire chantelouvaise montre toutefois des signes de satisfaction concernant la rénovation urbaine et les 2,2 milliards supplémentaires alloués à l’Anru. « On savait très bien que dans le programme de l’Anru, qui avait été abondé petit à petit selon les deux présidents de la République, la somme de dix milliards n’était pas suffisante, explique-t-elle. […] Une partie des deux milliards sert à la majoration [de projets déjà décidés]. »
Dans les colonnes du quotidien francilien, la ministre n’avait pourtant pas caché son enthousiasme à l’issue de cette présentation du plan de relance, concernant principalement les réhabilitations thermiques de bâtiments et le fonds d’aide aux entreprises industrielles. « C’est un plan d’action inédit car on balaie tous les sujets, qu’il s’agisse de sécurité, d’éducation, d’emploi, de logement, etc., soulignait-elle. Les montants ne sont pas fléchés par département, ça va dépendre des projets retenus. »
C’est justement l’un des points qui fait grincer des dents la maire chantelouvaise : « Ce qui aurait été bien, c’est que déjà les répartitions financières selon les départements soient connues selon les sujets, parce que si on a 20 millions sur tel sujet, ce n’est pas pareil que d’avoir 200 000 euros, ça veut dire qu’on le répartit différemment, qu’on travaille différemment. » L’arrivée de médiateurs et d’éducateurs spécialisés à Trappes et aux Mureaux dans le cadre des bataillons de la prévention étant actée, elle regrette un manque de concertation : « On venait d’embaucher huit éducateurs spécialisés sur Trappes (avec l’agence départementale Ifep qui intervient auprès des QPV, Ndlr), l’État arrive, ramène 8, OK sauf qu’ils sont rattachés à qui ? […] L’État les finance sur 18 mois et après ? L’association aura le double de personnel et qui va les payer ? »
Ce choix de doter des territoires déjà bien pourvus a également fait réagir le maire vernolitain, Pascal Collado (SE), dont le quartier du Parc est engagé dans une importante opération de réaménagement, pilotée notamment par la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise. « Nous sommes la seule ville du département en QPV à ne pas bénéficier des dispositifs d’éducateurs de prévention, déplore-t-il. […] Et quand on nous apprend que dans le cadre des dispositifs lancés par l’État, c’est dans des villes qui en bénéficient déjà qu’ils viennent en renfort… »
Cette réunion était aussi l’occasion pour lui de rappeler qu’il n’y avait pas de différences de traitement à faire entre les grands ensembles, comme Mantes-la-Jolie ou Les Mureaux et les « petits » QPV, selon les termes employés par Nadia Hai. « On a le sentiment d’être un QPV de deuxième priorité ou de deuxième zone, très clairement, et il suffit de regarder les dispositifs divers et variés, appuie-t-il. Je ne suis pas du tout en train de jalouser mes collègues des autres quartiers puisqu’ils ont des problématiques qui sont certes plus amplifiées, sauf qu’à un moment, il faut peut-être décider d’avoir un regard un peu plus local. »
Au-delà des engagements pris par les collectivités territoriales comme la communauté urbaine et le Département en ce qui concerne le bâti, lui demande à l’État de prendre en charge l’aspect humain. Car, tous dispositifs confondus, la commune touche 90 000 euros « pour une population qui représente un tiers de ma ville, poursuit-il. […] C’est un petit peu problématique, surtout que les diagnostics sociaux qui ont été faits dans le cadre du suivi par la communauté urbaine montrent que le quartier du Parc a des profils de décrochage et de paupérisation qui s’accentuent. »
L’expression « petit QPV » l’agace d’ailleurs. « Je réfute complètement de dire qu’il y a des « petits QPV », quand on est sur les caractères précis des quartiers en politique de la ville ce n’est pas la taille, c’est des problématiques sociales, avec des diagnostics, c’est des problématiques de vivre-ensemble, analyse-t-il. Mais pour autant c’est un petit peu une alerte, pour dire nous aussi on existe. » Il met notamment en avant les actions menées par la Ville au sein de l’école Fratellini dans le quartier du Parc comme l’ouverture de très petites sections à partir de deux ans « pour accompagner les enfants dès le plus jeune âge et les parents à l’institution scolaire ».
Une autre de ses doléances concerne justement cet établissement scolaire, qui bien que situé en QPV, ne fait pas partie du réseau d’éducation prioritaire. « [Elle] ne bénéficie pas des décharges et des dédoublements des classes de CP, GS et CE1 […] donc ça quelque part j’ai largement eu l’occasion de remonter cette problématique, sans pour avoir une réponse ni même une écoute [auprès des ministères], fustige-t-il. Rien n’avance puisqu’il faut savoir que non seulement l’école Fratellini ne bénéficie pas du dédoublement des classes, mais même en est victime puisqu’avant le dédoublement des classes de CP nous avions un dispositif qui s’appelait « Plus de maîtres que d’élèves et de classes » et ce poste a été supprimé. Et on subit encore un autre impact puisque nous avons une fermeture de classe […] à la rentrée prochaine. »
Les attentes à Mantes-la-Ville sont également nombreuses. « L’idée c’était vraiment de faire passer le message à la ministre, l’un de ses premiers déplacements c’était à Mantes-la-Ville et dans les actes on ne voyait pas grand-chose arriver », confie-t-on dans l’entourage du maire Sami Damergy (SE). « Nous on a fait état surtout du constat de l’abandon des quartiers prioritaires par l’ancienne municipalité, on a vraiment souhaité un retour de l’État sur ces questions-là en termes d’accompagnement à l’emploi, en termes de création et d’insertion sociale, faire en sorte que Mantes-la-Ville soit identifiée par l’État comme un territoire dans le besoin », poursuit-on des souhaits exprimés.
Les participants mantevillois se sont ainsi montrés « assez demandeurs » du dispositif des bataillons de la prévention, qui viendrait compléter le recrutement en cours de 15 adultes-relais en tant que médiateurs, demande appuyée par l’envoi d’un courrier aux services de Nadia Hai. À plus long-terme, la Ville espère également pouvoir amorcer des opérations de rénovation urbaine, même si elle n’en a pas fait état lors du comité territorial du 13 avril : « Certains quartiers ont besoin de rénovation, ont besoin de respirer, ils ont besoin de nouvelles connexions entre eux, c’est plusieurs secteurs qui sont éloignés […] il y a besoin de ce réaménagement, de ce rééquilibre à mettre en place au sein de la ville. »
Satisfait de ce que lui-même qualifie de « belle réunion » de travail, le maire de Carrières-sous-Poissy, Eddie Aït (SE), s’est plutôt engagé au niveau de la jeunesse. « Carrières vous le savez c’est une ville qui est jeune, 40 % de sa population a moins de 30 ans, note-t-il. Donc on a souhaité réaffirmer notre préoccupation sur l’accès à l’emploi des jeunes, le continuum éducatif et puis la création de parcours d’autonomie. » L’édile souhaiterait plus particulièrement un accompagnement de l’État pour la mise en place de la Maison des jeunes qui ouvrira fin août route de la Reine blanche.
« C’est une maison qui va regrouper des problématiques liées à l’emploi avec la mission locale, des espaces de convivialité, un premier accueil avec un bureau d’information jeunesse et également un guichet premier accueil de tout ce qui est accompagnement vers l’autonomie, que ce soit aide au permis de conduire, à la formation, aide à l’équipement quand vous faites des formations professionnelles, que ce soit l’aide à la pratique sportive, détaille-t-il du projet. […] On avait besoin d’être accompagnés par l’État pour bénéficier d’un montage de dispositifs et aussi faire reconnaître le lieu comme lieu de parcours autonomie des jeunes et de l’intégrer dans tous les dispositifs existants. » Il a également demandé à ce que Carrières-sous-Poissy soit labellisée « Cité de la jeunesse ». Par ailleurs, la Ville bénéficie d’une subvention de 140 000 euros, plan de relance au titre de la réhabilitation thermique du gymnase Provence.
Une nouvelle réunion est prévue en juin, afin de faire le point sur les dispositifs et leurs retombées. « Depuis [le 29 janvier] on est resté en contact avec le directeur de cabinet de Castex qui nous fait une visio tous les 15 jours pour bien vérifier […] que les décisions prises retombaient bien sur les territoires », indique de son implication la maire chantelouvaise. « J’espère que d’ici là, la ministre viendra à Vernouillet visiter un « petit QPV » », termine Pascal Collado.