RER A : quel rééquilibrage entre Poissy et Cergy ?

Île-de-France mobilités s’apprête à rendre les conclusions d’une étude concernant la répartition des RER A entre les branches Poissy et Cergy (Val-d’Oise). Plusieurs scénarios sont proposés, avec une mise en service début 2023 ou début 2025. Selon nos informations, quelque soit le scénario retenu, Poissy perdrait des trains en heure de pointe le matin.

Tel un serpent de mer, la question de la desserte du RER A entre les branches de Poissy et Cergy (Val-d’Oise) revient régulièrement sur le devant de la scène. Elle est toutefois en train de prendre un aspect plus concret puisqu’au travers de réunions menées ces derniers mois avec les associations d’usagers, les élus, ou encore les parlementaires, Île-de-France-mobilités (IDFM, organe de la Région en charge des transports, Ndlr) a souligné qu’une étude était en cours concernant ces dessertes de la ligne la plus fréquentée d’Europe avec ses 1,3 million de voyageurs quotidiens. Selon nos informations, ces études portent sur différents cadencements afin de pouvoir rééquilibrer l’actuelle répartition de cinq trains par branche en faveur de la branche cergyssoise. La mise en place de ces scénarios s’échelonnerait, selon nos informations, entre le début 2023 et le début 2025. Une plénière devrait être organisée avant la fin de l’année pour les ­présenter aux communes ­concernées.

Mais si les associations d’usagers, les élus d’Achères, et la députée de la 6e circonscription, Natalia Pouzyreff (LREM), plaident pour une mise en service rapide de ces nouveaux changements, les élus pisciacais souhaitent, eux, que cette application ne se fasse qu’après l’arrivée du RER E, dont le chantier vient d’accuser un surcoût colossal de 1,7 milliard d’euros, et dont l’arrivée à Mantes-la-Jolie est désormais repoussée a minima à mi-2025. Toujours selon nos informations, l’idée d’un basculement de la ligne L vers Poissy en remplacement du RER A, évoqué lors d’une réunion en 2019, ne serait plus à l’ordre du jour. Sollicité depuis plusieurs semaines, IDFM n’a pas répondu à La Gazette.

« C’est une étude qui a beaucoup souffert du Covid et de la crise sanitaire puisqu’elle était demandée depuis plus de deux ans, et le travail était très long, entrecoupé par le Covid, note Camille Vaur, conseillère municipale achéroise déléguée aux transports et à la mobilité. […] On a mis beaucoup de relances et on a mis beaucoup de pression à Île-de-France mobilités pour la sortie de cette étude, parce que forcément ça traînait, ça traînait, […]. Le vrai sujet, c’est que la branche Cergy c’est environ cinq fois plus de voyageurs que Poissy, mais on bénéficie du même nombre de RER. »

« Dès 2019 il y a eu des demandes d’associations pour mettre plus de Cergy, confirme l’Achérois Thierry Robin, chargé de mission mobilités au sein du Collectif d’associations pour la défense de l’environnement des boucles de la Seine (Cadeb), en ce début novembre. […] J’ai l’impression que depuis on nous mène en bateau, on fait des études depuis 2019, il y a toujours des études à faire, ça n’avance pas. Ils jouent la montre par ce qu’ils se disent : « On ne va pas faire une nouvelle grille horaire pour quatre, cinq ans en sachant qu’Eole va arriver bientôt ». »

« [Plusieurs] scénarios sont étudiés », expliquait il y a quelques semaines, Arnaud Bertrand, président de l’association d’usagers Plus de trains, des échanges qu’il avait pu avoir lors d’une réunion organisée en juillet avec IDFM. « Aujourd’hui à Poissy vous avez un RER A toutes les 12 minutes à peu près, il y a un scénario dans lequel ce sera toutes les 23 minutes, en heures creuses ça ne changerait pas ce serait toutes les 20 minutes, expose-t-il du premier scénario. C’est débile, on est d’accord. »

Un deuxième scénario consisterait à « passer de toutes les 12 minutes à toutes les 14 ou les 15 minutes, pendant une heure et la contrepartie de ça, quand vous attendez 23 minutes vous auriez un RER à Cergy toutes les huit minutes en moyenne », avec la perte d’un ou deux trains de la ligne L. « De mon point de vue c’est un bon compromis. Pendant une heure où vous aviez cinq RER A qui partent de Poissy, cinq RER A qui partent de Cergy et cinq lignes L qui partent de Cergy, vous en avez quatre au lieu de cinq partant de Poissy, quatre L, en revanche […] vous en avez huit [au départ de Cergy], poursuit Arnaud Bertrand. C’est un équilibre qui nous paraît meilleur, il résout bien le problème. »

« Les scénarios varient, entre basculer beaucoup plus de trains sur le Cergy que sur le Poissy et puis des scénarios mixtes, confirme lors d’une réunion publique fin novembre, la députée de la 6e circonscription, Natalia Pouzyreff. Ils essayaient de regarder quelque chose qui serait le plus facile à mettre en œuvre, et le plus rapide parce que c’est ce que je dis, on ne peut plus attendre, ça fait quand même des années que les Achèrois attendent. » La parlementaire se dit toutefois pessimiste quant aux scénarios « rafales de train », consistant à faire circuler les trains à la chaîne sur un tronçon déjà surchargé.

Camille Vaur, conseillère municipale déléguée aux transports à Achères, évoque, elle, un troisième scénario, privilégié par Achères, « où grosso modo on récupérerait un train par heure », pour une mise en service au début de l’année 2023.

Camille Vaur évoque, elle, un troisième scénario, privilégié par Achères, « où grosso modo on récupérerait un train par heure », pour une mise en service au début de l’année 2023. « Le souhait qu’on avait à Achères c’était quand même d’obtenir des actions rapides pour rétablir des conditions de voyage satisfaisantes parce qu’on le sait les usagers du RER se farcissent les pannes de signalisation, les travaux, sans forcément aujourd’hui ressentir la plus-value », fait-elle remarquer.

Lors de la refonte horaire du début 2017, Poissy avait déjà perdu un train en heure de pointe le matin. « Les discussions ont été extrêmement tendues mais nous sommes arrivés à un équilibre, avec […], cinq fréquences sur Poissy, cinq fréquences sur Cergy, en n’oubliant pas que la ligne Cergy bénéficie de la ligne L avec également cinq fréquences, rappelle l’adjoint pisciacais en charge des transports, Patrick Meunier. Sur la branche à partir d’Achères-Ville jusqu’à Cergy-le-Haut, on a bien dix trains par heure avec dix solutions pour aller et venir de Paris aux heures de pointe du matin et du soir. Donc ça nous a semblé quelque chose d’acceptable en n’oubliant pas que dans cette solution, […] Poissy bénéficie globalement en heure de pointe de trois trains de la ligne J plus cinq RER ce qui fait huit trains pour 40 000 habitants et un bassin drainant très important. »

Sa position à l’heure actuelle est en tout cas claire : « Il est inacceptable aujourd’hui de réduire des fréquences qui ont déjà été réduites sur Poissy et à partir de là le compte n’y est pas. […] Tant qu’on n’aura pas le RER E, clairement, on va s’opposer à toute retouche. Non pas parce qu’on est conservateur mais parce qu’on constate que la desserte de Poissy est inférieure en nombre à des villes plus petites autour. Et le cas de Cergy, c’est le cas de Cergy, on conçoit qu’il est compliqué, mais on ne peut pas faire reposer 200 000 habitants sur deux petites voies ferrées en promettant des services de grande qualité. »

« On cherche à ce qu’Achères soit desservie à sa juste valeur et à ce qu’on attend d’une ville de quasiment 22 000 habitants », rétorque, pour sa part, Camille Vaur, arguant que Cergy, Conflans-Sainte-Honorine et Achères disposent encore de réserves foncières importantes pour faire du logement ou des bureaux. Du côté cergyssois, le président de l’agglomération de Cergy-Pontoise et maire de Cergy, Jean-Paul Jeandon (PS), plaide auprès de La Gazette du Val-d’Oise lui aussi pour des modifications rapides, sans attendre l’arrivée d’Eole : « D’après les échos que j’ai eus, sa livraison serait reportée à 2026… Ça reste à confirmer mais il y aura nécessairement un retard de calendrier. De notre côté, on va continuer de se battre pour améliorer la régularité des RER aux heures de pointe. On a quatre fois plus de voyageurs que Poissy pour le même nombre de rames, c’est une inégalité de traitement territorial que le président de l’agglomération de Cergy-Pontoise que je suis ne peut pas accepter. Il faut un rééquilibrage en faveur de Cergy avec six RER contre quatre pour Poissy. »

Côté pisciacais, Patrick Meunier reste toutefois méfiant, quant aux conclusions annoncées, expliquant ne pas avoir eu de contact avec IDFM pour l’informer de ces hypothèses : « Accessoirement on n’en a pas connaissance de cette étude, je me méfie beaucoup, parce qu’on fait une étude locale sur un sujet et ça dérape. […] Pour nous il n’y a pas de solution à attendre avant le RER E. » Pour maintenir la pression auprès d’Île-de-France-mobilités, les élus d’Achères et ceux de la branche cergyssoise comptent envoyer prochainement une lettre à Valérie Pécresse (Libres!), présidente de la Région et d’IDFM. « On est des villes qui continuent à grandir, il faut que les infrastructures à notre disposition soient dimensionnées, c’est le rôle de la Région de la dimensionner, c’est ce qu’on souhaite rappeler à Valérie Pécresse », assène Camille Vaur.