« C’était comme une rentrée des classes ». C’est avec son petit sac et « un peu intimidé » qu’Aurélien Rousseau a fait ses premiers pas en tant qu’élu à l’Assemblée Nationale, le lundi 8 juillet dernier. Car les bancs de l’hémicycle, il les a déjà connus en tant que Ministre de la Santé du gouvernement Borne. « J’ai passé des nuits à l’Assemblée à défendre le projet de loi de financement de la Sécurité sociale donc je connais bien, je connais beaucoup de députés, rappelle-t-il. Mais y venir en tant qu’élu de la nation, c’est quand même autre chose ». Le Gardois de naissance siège aux côtés des députés socialistes, en tant que seul représentant du parti de Raphaël Glucksmann, Place publique. Bien qu’il se « considère d’abord comme un député de gauche ».
Outre la fierté d’avoir remporté les premières élections auxquelles il se présentait, le nouveau député de la 7ème circonscription est surtout soulagé que cette campagne houleuse soit derrière lui. « L’entre-deux tours a été âpre, je l’ai vécu comme très violent, même si j’ai essayé de ne pas entrer dans quelque chose qui aurait favorisé le RN, assure-t-il. Il y avait un petit côté grotesque, on ne peut pas simultanément me reprocher d’avoir été au gouvernement et directeur de cabinet de la Première Ministre, et me dire que je suis un communautariste islamogauchiste ». De ces 3 semaines particulièrement intenses, Aurélien Rousseau préfère retenir l’accueil des militants de gauche et des élus locaux. « Ce n’était pas évident d’arriver dans ces conditions, avec un profil qui n’était pas issu de la circonscription. Je retiens l’appétit d’écoute et de respect, que ce soit des citoyens ou des maires. Ça m’a fait retrouver ce plaisir de rencontrer des gens, que j’avais connus dans ma vie militante et dans ma vie de ministre ou de patron de l’ARS ».
« L’’impression de monter les marches du Festival de Cannes »
Une autre Yvelinoise a fait ses premiers pas en tant que parlementaire : les caméras étaient partout, braquées sur elle, et les médias nationaux allaient à sa rencontre. « Quand je suis arrivée à l’Assemblée nationale, j’avais l’impression de monter les marches du Festival de Cannes » sourit Dieynaba Diop. Après avoir dispensé quelques interviews, la nouvelle députée de la 9ème circonscription des Yvelines a ensuite reçu son kit parlementaire avec un rappel des règles déontologiques : déclarations d’intérêts, fiches d’impôt désormais transmises à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, interdiction d’embaucher des assistants provenant de sa propre famille…
Sa première journée l’a donc plongée dans un autre monde que l’enfant du quartier de la Vigne Blanche des Mureaux n’imaginait pas connaître. Remontons en 1983, à l’époque, sa classe de CM1 de l’école Pierre Brossolette avait été tirée au sort pour participer à l’arbre de Noël de l’Élysée, ce qui avait donné lieu à un reportage de France 3. Celui-ci est toujours disponible sur le site de l’INA. On y voit alors une jeune Dieynaba qui ne savait pas à quoi ressemblait l’Élysée, seulement certaine que « c’est grand ». En cette journée du 14 décembre, elle avait pu rencontrer François Mitterrand, un sacré clin d’œil puisque quarante ans plus tard, la conseillère municipale muriautine est devenue la secrétaire départementale du Parti Socialiste.
« Si on a été élu, c’est pour que les choses bougent »
Au sein du Nouveau Front Populaire, la néodéputée est déjà affublée d’un surnom. « Dieynaba Staline, car j’ai fait des scores de dictateur soviétique » sourit-elle. En effet, dans son fief des Mureaux, elle a récolté plus de 82 % des suffrages exprimés, un score symbolique : « Celui de Jacques Chirac contre le Pen. Cela rappelle que nous sommes une nation qui n’acceptera jamais d’être dirigée par l’extrême-droite et je suis fière de représenter cela. » Jamais elle ne reniera ses racines. Ses parents sont originaires du Sénégal et la parlementaire ne cache pas que son père ne savait pas lire ni écrire le français.
Pour les deux petits nouveaux, cependant, le plus dur commence maintenant. Ces élections législatives anticipées ont montré une grande fracture dans la société française. Convaincue qu’il existe des fâchés pas fachos, Dieynaba Diop reste persuadée qu’une gauche unie peut apaiser cette colère. « Il faut trouver des solutions pour ramener les services publics au plus près de la population, pour résoudre les problèmes de Santé, pour trouver des modes de garde pour les enfants » scande la secrétaire départementale du Parti Socialiste.
« Je me sens un peu chez moi »
Pour Aurélien Rousseau, l’heure est désormais à la poursuite des rencontres, du dialogue, que ce soit à l’échelle locale mais aussi nationale. Car l’Assemblée est aujourd’hui plongée dans un bourbier sans nom : si la gauche compte bien un nombre de députés majoritaires, elle doit « tendre la main à d’autres forces sur la base de son programme », selon le député de la 7ème circonscription. Il insiste cependant sur un point essentiel : les choses doivent changer. « Si on a été élu, c’est pour que les choses bougent, notamment sur le pouvoir d’achat, avec des mesures rapides. Dans le champ de ceux qui ont fait le front républicain, il y a une force qui est sortie en tête, c’est la gauche. Le Président de la République devrait demander à la force principale de cette gauche, susceptible de créer une dynamique de Gouvernement, de travailler à ça. Et de ne pas y travailler toute seule ». Pourtant, le NFP est mis à mal par plusieurs ténors de la Macronie et de la droite, qui menacent déjà de motion de censure le futur gouvernement en cas de présence de membres de La France Insoumise ou d’écologistes.
À l’échelle de son territoire d’adoption, le député de la 7ème circonscription est déjà au four et au moulin. Il rencontrera sous peu le patron de la SNCF avec la sénatrice des Yvelines Ghislaine Senée (EELV), au sujet de la Ligne Nouvelle Paris Normandie, sujet brûlant sur le territoire. Sur lequel il préfère, pour l’heure, ne pas se mouiller. « Je pense que l’opposition majoritaire des élus est aussi liée au fait qu’on n’y voit pas extrêmement clair. Sur le principe général qu’il faille une ligne Paris-Normandie, je pense que c’est une évidence. Après, la question c’est qu’on a un territoire à traverser, et donc dans quelle condition on traverse ce territoire qui ne peut pas juste, au sens propre, regarder passer les trains ».
Logement, santé, école, conciliation entre environnement et développement… Aurélien Rousseau le sait, il a du pain sur la planche. Mais pas de quoi le perturber pour autant. « C’est à la fois un univers nouveau et familier, je suis à fond. Je découvre le fait que mon bureau soit essentiellement en voiture. Mais je me sens un peu chez moi ».
Comme toute semaine de rentrée, celle-ci fut calme. Une atmosphère qui se doit de le rester, puisque les deux députés sont conscients que les invectives au sein de l’hémicycle ont participé à créer une ambiance délétère dans la société française.