
C’est lors d’un chantier de sécurisation, une intervention de routine menée en 2022, que les stigmates laissés par le temps sur la pierre de la collégiale Notre-Dame ont sauté aux yeux de la Ville de Poissy. Rien d’étonnant quand on sait que l’édifice religieux, situé en plein cœur de la ville, n’a pas bénéficié de travaux majeurs depuis plus d’un siècle. Le diagnostic était sans appel : infiltrations d’eau, colonisation végétale, affaiblissement de la structure… Autant de désordres qui ont convaincu la Mairie de lancer, enfin, une campagne de restauration ambitieuse.
« Le cycle d’une restauration, c’est 100 ans. Là, on a un peu tiré sur la corde, ce qui fait qu’on a des problématiques importantes », observe Maxime Faure-Pavan. Diplômé de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Versailles, il est architecte du patrimoine depuis 10 ans au sein de l’agence Lympia, qui a été choisie pour piloter le coup de neuf dont va bénéficier l’édifice. Parmi leurs réalisations, qui ont lieu essentiellement dans le quart nord-ouest du pays, on compte quelques beaux morceaux, comme la restauration du dôme du Panthéon, à Paris, de la cathédrale de Bayeux, de l’église Saint-Pierre de Caen… et même de l’Ambassade de France à Belgrade, en Serbie.
La particularité du monument pisciacais réside dans son histoire complexe, dûe non seulement à son âge avancé mais aussi à son style composite. C’est en 1016 que Robert II le Pieux fait édifier l’église d’origine, sur les bases d’un ancien lieu de culte mérovingien. Elle sera très rapidement reconstruite afin de l’agrandir, en raison de l’expansion grandissante de la ville à l’époque, avant de prendre une nouvelle dimension après le baptême de Saint-Louis (Louis IX), le 25 avril 1214 en ses murs. « Il va ainsi garder un attachement important à cette collégiale, ce qui va permettre un entretien important de l’édifice », raconte Maxime Faure-Pavan.

Son histoire sera ensuite mouvementée, entre les incendies et destructions provoqués par la guerre de Cent Ans (1337-1453) et le siège mené par les Huguenots en 1567. Les reconstructions de l’époque effacent peu à peu son héritage du XIIème siècle, et en font un curieux mélange de styles. Ce que tentera de corriger Viollet-le-Duc, chargé en 1844 de la restauration de la collégiale Notre-Dame. Une restauration qui, lors de sa deuxième phase de 1861 à 1869, a tout d’une totale remise à neuf. « Je défends beaucoup Viollet-le-Duc car c’est lui qui a inventé mon métier, s’amuse l’architecte du patrimoine. Mais sa volonté de mettre en avant l’édifice du XIIème, en effectuant de grosses modifications, va être particulièrement critiquée. Mais il n’avait pas le choix, vu à quel point il était au bord de l’effondrement ».
Une autre campagne de restauration sera menée à la fin du XIXème siècle. Mais depuis, aucune intervention majeure n’a été menée, d’où l’importance de s’y atteler aujourd’hui. « Le premier problème et l’origine de tous les désordres, c’est la gestion des eaux de pluie », observe Maxime Faure-Pavan. Pour remédier à la fragilisation de la structure, le chantier prévoit « la restauration des couvertures et charpentes », « la reprise des arcs-boutants et pinacles », ainsi que « l’habillage en plomb des collatéraux, et des couvertures en ardoise et pierre ». « La restauration des parements sud, des façades de la sacristie et du choeur ainsi que le nettoyage des élévations nord des chapelles de la nef sont également programmés » ajoute la Ville de Poissy, tout comme la restitution d’une porte du côté nord de l’édifice, afin d’améliorer la sécurité en cas d’évacuation d’urgence. Si Maxime Faure-Pavan assure que l’objectif est de « conserver l’existant au maximum », la collégiale Notre-Dame devrait tout de même se montrer sous un nouveau jour avec une vaste campagne de peinture et le retour de ses couleurs d’origine.
La campagne de restauration sera effectuée en deux phases distinctes d’un an et demi chacune, avec un premier coup de pioche espéré au début de l’année 2026. « Ce mois-ci a été déposée la demande d’autorisation de travaux sur monument historique, une étape importante, souligne l’architecte. On a six mois d’instruction, donc ça va nous permettre de consulter les entreprises avant le lancement du chantier ».

Si la collégiale va bien être en travaux jusqu’en 2029, cela ne veut pas dire qu’elle ne sera pas accessible. Les participants à la conférence du mercredi 21 mai, qui a permis de présenter les détails du chantier qui s’annonce, ont pu en être assurés : en dehors des demi-journées de pose et de retrait des échafaudages, les Pisciacaises et Pisciacais pourront pénétrer dans l’édifice pendant toute la durée de sa restauration. Les travaux seront même interrompus pendant les offices et les funérailles.
L’accessibilité sera même poussée à son paroxysme : la volonté de la Ville et de l’agence d’architectes est d’ouvrir au maximum le chantier aux regards des habitants. Les passants pourront, par exemple, observer les tailleurs de pierre quand ils seront à l’œuvre, tandis que les élèves de la commune auront droit à des visites du chantier dans le cadre scolaire, pour en savoir plus sur les spécificités de chaque corps de métier. « C’est l’un des enjeux les plus importants, insiste Maxime Faure-Pavan. Quand on parle de patrimoine aujourd’hui, tout le monde est convaincu qu’il faut restaurer. Mais quand on présente la somme de ces restaurations, tout le monde est paniqué. Donc l’objectif, c’est d’intéresser les gens au patrimoine, à ces métiers passionnants qui ont énormément de choses à raconter ».
L’histoire de la collégiale Notre-Dame sera également contée, dans les prochains mois, à travers une programmation culturelle qui va accompagner la campagne de restauration. D’ailleurs, celle-ci a déjà commencé ces dernières semaines avec deux conférences de l’association Sauvegarde et Animation du Patrimoine Sacré (SAPS), d’abord sur la statue de Jean-Baptiste, puis sur les motifs et œuvres de la collégiale inspirés par la nature. Le 3 juillet, une promenade plongera les habitants dans le Poissy médiéval, tandis que le lendemain, un concert d’orgue à 4 mains mettra en valeur les répertoires de Berlioz, Strauss ou Bizet. Mais le rendez-vous à noter dans votre calendrier est bien celui du 10 octobre prochain : l’ensemble vocal les Métaboles proposera un concert choral exceptionnel à l’occasion des 150 ans de la naissance de Maurice Ravel. « On fera en sorte que les artistes prennent en compte le chantier et l’évolution du site dans leurs spectacles, et peut-être créer à partir de ça », glisse Anthony Chenu, directeur de la Culture à la Ville de Poissy.
Près de 30 000 euros récoltés
Afin de financer cette ambitieuse campagne de restauration, soutenue notamment par les financeurs publics que sont le Département des Yvelines, la Région Île-de-France mais aussi l’État, une collecte de dons est organisée par la Fondation du Patrimoine afin de permettre aux entreprises et aux particuliers d’apporter, eux aussi, leur pierre à l’édifice. Lancée en décembre 2024, elle a déjà permis de récolter près de 30 000 euros. Pour participer, il suffit de se rendre sur le site fondation-patrimoine.org.