Premier état des lieux avant l’extension des cités éducatives

Trois ans après les premières attributions à Mantes-la-Jolie, Les Mureaux et Chanteloup-les-Vignes, les acteurs du label se montrent, dans l’ensemble, plutôt satisfaits de sa mise en œuvre en vallée de Seine.

Né d’une expérimentation, dans l’Essonne en 2017, le projet des « Cités éducatives » est aujourd’hui largement implanté dans les Yvelines. En vallée de Seine, lors de sa première vague de labellisation en 2019, le gouvernement avait notamment intégré les villes de Mantes-la-Jolie, Les Mureaux, Chanteloup-les-Vignes à son dispositif. En février dernier, la commune de Poissy a, elle aussi, été retenue pour profiter des crédits supplémentaires affectés par l’État pour « intensifier les prises en charge éducatives des enfants et des jeunes de 0 à 25 ans » au travers d’actions en milieux scolaire et périscolaire. L’objectif principal est de faire monter les jeunes en compétences, mais aussi d’atténuer les inégalités entre élèves en matière de réussite scolaire.

Plus de trois ans après les premiers déploiements du dispositif gouvernemental dans les quartiers prioritaires de la politique de la Ville, les différents acteurs que sont les services de l’État, les collectivités, les chefs d’établissements mais aussi les parents et les professeurs sont plutôt unanimes sur l’intérêt d’un tel label. Les communes de Limay et de Mantes-la-Ville ont d’ailleurs, elles aussi, candidaté tout récemment pour être labellisées.

Et alors que les premières évaluations sur les projets les plus anciens devraient être menées vers la fin de l’année 2022, certains distribuent déjà les bons comme les mauvais points. Parmi les sujets évoqués, la multiplication des actions pédagogiques, culturelles et sportives est largement félicitée même si les parents et professeurs déplorent, eux parfois, de ne pas être suffisamment associés à la construction du projet éducatif.

Pour faire un point d’étape sur la mise en œuvre du label dans les Yvelines, la préfecture yvelinoise a organisé, mercredi 10 novembre, la première journée départementale des cités éducatives. Dans l’amphithéâtre du nouveau collège du Val Fourré, les communes concernées et candidates ont pu échanger avec les services de l’État et de l’éducation nationale. « L’objectif c’est aussi que vous puissiez échanger entre vous, voir ce qui se fait ailleurs, pour repartir avec plein d’idées pour nourrir votre projet et construire les cités éducatives de demain », expliquait aux participants, Raphaël Sodini, le préfet délégué pour l’égalité des chances.

Pour présenter l’action menée dans sa commune, le maire de Mantes-la-Jolie, Raphaël Cognet (LR), a notamment évoqué la mise en place, depuis le 2 novembre dans une dizaine de classes de primaire, du projet « Master chess ». Il permet aux écoliers de participer, une heure par semaine, à des ateliers de jeu d’échecs sur le temps périscolaire. L’objectif de ce dernier étant de développer leurs facultés de raisonnement, en calcul et en géométrie. « Les premières réunions de bilan qu’on a fait avec les équipes pédagogiques montrent que ça donne d’excellents résultats », se réjouit l’édile mantais qui s’est notamment battu, lors de sa candidature, pour que le label ne concerne pas uniquement le Val Fourré mais bien toute la commune.

« Moi ce que je constate en tant que maire, c’est que les difficultés éducatives, sociales et économiques, elles sont partout dans la ville, explique-t-il. On voyait arriver des gamins dans des classes (non classées en réseau d’éducation prioritaire, Ndlr) qui étaient en très grande situation d’échec sans qu’on ait les outils pour pouvoir les accompagner. »

La Ville a ainsi étendu le service accompagnement à la scolarité aux écoles du centre-ville. « On a été compris par les services de l’État là-dessus, souligne Raphaël Cognet. On est un peu sorti de la logique de zonage, qui est parfois un peu abrupte et qui fait qu’à la rue près on bascule dans un système ou dans un autre, et on a surtout réussi à raccrocher des gamins qui n’auraient pas pu avoir accès à ces dispositifs. »

Si les acteurs de la cité éducative s’accordent tous sur le fait qu’il est encore difficile de mesurer concrètement l’efficacité du dispositif, quelques indices semblent cela dit encourageants. À l’échelle nationale d’abord, le directeur général de l’enseignement scolaire, Edouard Geffray, constate que sur les quatre années qui ont précédé, y compris pendant la crise sanitaire, « les évaluations des élèves de sixième montrent une augmentation des résultats et une réduction des écarts entre les élèves ».

Pour estimer les bénéfices, Raphaël Cognet, lui, dit se fier aux retours terrain. « L’une des façons de l’évaluer, c’est discuter avec les professeurs avec tous les acteurs de l’éducation pour savoir selon eux les fruits […] on parle de la capacité des élèves à acquérir de nouvelles compétences par exemple et puis il y a des choses qui restent mesurables sur le niveau de français, sur la lecture… », liste le maire qui distingue également une augmentation du niveau de qualification moyen des jeunes mantais depuis une quinzaine d’années. « Ça a commencé avant la cité éducative, mais avec elle, on va pouvoir l’amplifier », ambitionne l’élu.

Les premiers bilans portant sur les cités éducatives de Mantes-la-Jolie et des Mureaux devraient être menés vers la fin de l’année 2022.

Du côté des parents d’élèves, on confirme également les bénéfices de ces actions mises en œuvre dans les écoles primaires mantaises. « Pour les échecs, par exemple, nous, on a même demandé que l’activité soit étendue à tous les niveaux », rapporte une membre de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) pour les écoles Marie-Curie et Les Mimosas.

Si cette dernière reconnaît le caractère « intéressant et nécessaire » du label de cité éducative à Mantes-la-Jolie, elle déplore néanmoins que les parents ne soient pas suffisamment associés à la démarche « alors que la volonté de la cité éducative normalement c’est justement d’être dans la co-construction ». La référente FCPE regrette également que les parents n’aient pas été conviés aux échanges organisés au nouveau collège. « C’est clair qu’il y a quand même encore des efforts à faire de ce côté pour qu’on puisse être totalement intégrés et même au niveau de la communication parce qu’il y a beaucoup de parents qui ne sont même pas au courant de ce dispositif-là », abonde-t-elle.

Des regrets partagés par certains enseignants, notamment aux Mureaux où la cité éducative se concrétise en grande partie en dehors des établissements scolaires, par le biais de partenariats avec les associations locales. « On nous parle d’enveloppe budgétaire pour accompagner tel ou tel projet, pourquoi pas, mais la question c’est qu’il y ait plus d’enseignants devant les élèves », grince Damien Deschamps, référent départemental du syndicat enseignant SNES-FSU et professeur à l’école Paul Raoult. Ce dernier pointe également des délais trop longs lorsqu’il s’agit d’obtenir ces ­crédits.

« Il y a des délais qui sont terribles, moi si je veux lancer un projet pour mes élèves j’ai besoin d’une réponse dans les quinze jours, pas dans six mois quand ils auront changé de classe, pour l’instant ce n’est pas ­efficace », insiste l’enseignant.

Sur ce manque de concertation, Raphaël Sodini, reconnaît que cela a été le cas sur les premières cités éducatives mantaise et muriautine. « C’est vrai que c’est très bizarre, l’éducation nationale, l’association des parents d’élèves et des profs ce n’est pas quelque chose de très naturel et spontané, c’est quelque chose qui prend du temps, explique le préfet délégué à l’égalité des chances. Ça n’a pas été peut-être l’axe très fort des toutes premières cités éducatives qu’on a conçues et je crois qu’il faut maintenant vraiment redoubler de vigilance là-dessus. Sur les futurs projets, c’est clair qu’on veillera à les associer beaucoup plus. »

Une démarche dont pourrait profiter la Ville de Limay qui a déposé, comme Mantes-la-Ville, sa candidature au début du mois de novembre. Alors que la commune porte une opération de renouvellement urbain qui doit accoucher d’un nouveau groupe scolaire, elle espère que ce label lui permettra de répondre à ses ­problématiques chroniques.

« On a un vrai souci de manque d’ambition et de mobilité de nos jeunes, rapporte la cheffe de file de la cité éducative limayenne et principale du collège Albert Thierry, Guylène Michot. Le fil conducteur qu’on a un peu pressenti pour l’instant, ce serait surtout le domaine culturel en s’appuyant notamment sur le conservatoire de la commune, l’école municipale d’art plastique ou encore la médiathèque. La culture, c’est accepter de se déplacer, accepter d’aller vers l’autre et donc c’est un peu ce levier-là qu’on envisage. »

Les deux communes devraient obtenir une réponse d’ici « la fin d’année,début d’année prochaine », précise Raphaël Sodini qui se dit relativement optimiste sur leur labellisation malgré la taille réduite des quartiers concernés.